2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Publié le 27 Juin 2019

Comment raconter une telle aventure ?

Comment mettre des mots sur tous ceux qui a été ressenti, vécu en un week-end ?

Comment parler de toutes les émotions qui nous ont traversées pendant ces deux jours ?

Comment raconter un regard, quand il y en a eu tellement ?

Comment retranscrire le soutien, la motivation, l’énergie de chacun ?

Comment parler de l’amitié ?

Comment dire la fierté de croiser vos regards ?

Comment parler de l’amour ?

 

Je ne sais pas si je vais pouvoir.

Peut-être juste essayer de dire qu’aucun mot ne peut réellement témoigner des émotions que j’ai vécu, que nous, Jérôme et moi, avons vécu ce week-end.

 

J’ai déjà eu quelques belles émotions sportives, mais je ne sais pas si quelque chose pourra de nouveau atteindre l’intensité de cette aventure !

 

Le 11 juin 2018, après une belle sortie de Jean et moi au Pecloz, dans le fil d'une discussion, Yannick nous lance que, si un Ultra de 100 bornes existait dans les Bauges, il serait quand même bien tenté!

... Quelques phrases plus loin, j'en profite pour évoquer les 14*2000 des Bauges, qui existe dans un coin de ma tête depuis le premier enchaînement, connu pour ma part,  de l’équipe ERTIPS dans le massif en 2009 (et que j'évoquais ici dans la dernière phrase d'un article de mon blog).

Ni une, ni deux, mes deux lascars s'enflamment, et 3, 4 jours plus tard nous voilà déjà avec une dizaine de tracé à l'étude...

Il faut trouver un nom à ce projet. L’envie de lier une dimension épicurienne à ce projet nous pousse à compléter le challenge avec la dégustation d'un fromage à chaque sommet.

Du coup le nom de baptême sera l’OTB : Off de la Tome des Bauges.

Je contacte très vite mon Gillou et Pat. J’ai une petite idée pour eux. Je vais avoir besoin de leur talent.
Les recos programmées à l’automne le confirment.
Le passage Sambuy – Chaurionde serait plus « agréable » à passer si sécurisé (et le jour J le confirmera encore plus).
Voilà 9, 10 mois avant un truc je préviens des potes, leur demande un truc, il bloque leur journée, et seront présent le jour J.
Je suis sur le cul de votre implication, votre disponibilité, votre amitié et votre « professionnalisme ».

Après 4 belles recos, (dont une avec Jérôme) et des contacts avec Laurent (Arclusaz de Kikourou) pour avoir son œil sur notre projet, le projet retombe en sommeil avec la saison de ski qui s’annoncent.

Celle-ci sera monstrueuse (à mon niveau) ! Une émulation de dingue, un partage de fou, des barres de rire !

Fin de l’hiver, l’OTB doit se réveiller, je ne peux l’envisager sans les copains de l’hiver. Jean a le même sentiment. Yannick, toujours partant est OK.

Finalement, Jérôme se greffe au projet. Il le lorgnait avec envie depuis notre annonce. Seul hic, la date prévue est juste 15 jours après son Alpsman. Il est costaud, on le sent capable.

Pour Romain, le parcours est trop engagé pour son vertige et Chris n'a pas assez confiance dans sa cheville (à juste titre puisqu'il se fera opéré cet automne). Mais les deux resteront en soutien.

Mi-mai, je me rends compte que le temps file, il faut maintenant passer aux choses sérieuses.

Gros travail de préparation. Finalisation de la trace, élaboration d'une feuille de route, puis d'une stratégie de « course » avec tous les ravitos, mobilisation de tous les potes, définition du rôle de chacun... Je ne vais pas arrêter pendant un mois et demi.

Là-dessus une mauvaise nouvelle nous tombe dessus. Jean ne pourra pas être des nôtres. Un impératif ne lui laisse pas le choix. La mort dans l'âme, et dans la nôtre, il quitte le projet.

Gros coup dur avant même d'avoir pris le départ.

Il faudra pourtant relancer la machine.

J-7 avant le départ, on monte à Pointe des Arces avec Jérôme pour planquer un jerrican d'eau au-dessus du chalet des Gardes. Quel sommet « pourri » à atteindre. Pas de chemin, on trace dans les arcosses, c'est dément. Et encore dans une semaine il faudra normalement être prêt à enchaîner avec les arrêtes vers Arlicod !

La dernière semaine est là. On devrait être dans l'euphorie du départ mais non là, c'est la météo (pourri de ce printemps) qui nous joue des tours.

Partira, partira pas, partira, partira pas...

On cale malgré tout tous les détails jusqu'au bout. On y croit, on fait les courses, on récupère du matos, on cale les derniers détails, on achète les fromages, on dispatche nos trois gros ravitos, on se voit une dernière fois jeudi soir, on file le sac d'allègement, Blandine récupère le ravito de François sous une pluie battante, Romain passe vendredi soir récupérer le sien.

Entre-temps cette semaine, j'ai enchainé ma démission, une réunion de copro houleuse et une grosse réunion pro...

Je suis vidé...

Mais vendredi fin d'après-midi, la météo semble basculer, des risques d'averses, pas d'orage. On part, on y va.

Samedi matin 4H00, j’embrasse Lola qui s’est réveillé, je lui dis au revoir, elle ne veut pas que je parte. Mon cœur se serre.

Heureusement, Céline m’a laissé un petit mot sur la table.

4H25, sur le parking, Jérôme arrive amené par Armony. Puis Yannick amené par Julien.

Julien va nous amener au départ, puis nous faire un premier ravito à Seythenex !

Je mesure la chance d’avoir des amis comme ça. C’est dingue !

Par contre il pleut, ça tonne même, et des éclairs zèbrent le ciel vers la Tournette.

On prend la route, mélange d’excitation, de peur devant le challenge et d’anxiété face à la météo.

Parking le Rafford.

On s’en approche de ce départ. La pluie a cessé. La météo semble se caler vers ce qui était annoncé. Ouf !

Yannick sort le cadeau de départ OTB qu’il nous a préparé. Je mesure à nouveau l’implication et le plaisir pris par chacun à imaginer ce projet.

Un bracelet en cuir gravé des mots que l’on avait échangé à l’origine du projet : « Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière » et à l’intérieur « OTB2019 ».

On l’enfile, il ne nous quittera plus.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

A 6H00 pétante, on prend le départ. Ca y est, on y est, on est parti.

Je lâche un cri libératoire.

Ce premier sommet, la Dent de Cons, va se faire tranquillement (surtout ne pas commencer à se griller). On papote comme des pies tout le long.

Le sommet est atteint avec déjà un peu de retard par rapport à ma feuille de route, ¼ d’heure. On n’y prête pas attention. On sort notre premier fromage, première photo, premier sommet à communiquer au Whatsapp de tous nos suiveurs.

Ce lien que l’on a créé ainsi avec nos familles et nos amis va être un fil rouge de ce week-end, un appui, un exutoire. Il nous a tellement apporté de soutien, d’énergie et de réconfort.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

On attaque le cheminement sur les crêtes, tout va bien, puis on bascule sur la descente. Très raide, ça ne déroule pas vraiment, faudrait pas voir à s’en mettre une.

Puis on rentre dans la forêt, puis on se paume. J’ai tracé au plus direct, sur des chemins qui semblent avoir disparu. On se tape un peu de traversée hors sentier, les jambes se strient. C’est la merde. Je ne veux pas me laisser atteindre, mais c’est un peu la merde. On finit par suivre la route.

On finit par arriver sur la route du Col de Tamié, il faut remonter à Seythenex maintenant. Clairement pas la partie la plus sexy du parcours.

Au pont, Julien nous attend. On a ¾ d’heure de retard. Ok je me suis vautré dans la feuille de route. Ça m’est complétement égal. Le temps ne représente rien sur cette traversée. Si ce n’est pour les arrêtes Arces Arlicod à faire de jour.
Pour le reste je sais que Céline a l’habitude de gérer ce type d’imprévu, ça fait râler pour les potes mais j’espère qu’ils ne nous en voudront pas trop.

En attendant, premier ravito, avec pain au choc s’il vous plaît ! Le top ! Et le sourire de Julien ! Side-car represent !

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Plein des flasks et on ne traine pas trop quand-même. C’est reparti.

Je reconnais les chemins du trail de Faverges, on attaque la forêt, beau chemin de débardage, bien raide, bien boueux. Ça en demande. Premier coup de boutoir pour Yannick.

Les nouvelles sont bonnes de la Sambuy. Bruno, Pat et Gillou sont là-haut en place et nous ont équipé le passage Sambuy-Chaurionde. Que dire encore une fois !

On sort de la forêt, Une marmotte nous salue. Yannick accuse clairement le coup et reste un peu en retrait. Je ne suis pas encore forcément inquiet pour lui, on est parti pour du long, il a encore largement le temps de se refaire.

Un peu plus haut, je lui lance quand-même de ne pas se laisser envahir par le noir.

On finit par récupérer le chemin après le chalet de la Bouchasse. J’espère que ça permettra à Yannick de se refaire un peu.

Je crois que c’est par là que Jean nous envoie un message nous disant que les chamois nous attendent. Mon grand est sur le parcours, quel plaisir de savoir ça.

Puis c’est la bifurq pour la Sambuy, passage au col, je reste avec Yannick, essai de lui parler. Il a pris un coup je pense, dur de se sentir dans le dur si tôt dans l’aventure. Pourtant je me refuse à le voir se morfondre dans des idées noires à la con. Je sais que ça peut passer, que ça peut revenir. Je veux le croire. Jérôme et moi essayons de lui aider à tenir la barre.

On arrive heureusement au sommet. Ce qui nous attend va nous « distraire » de ces idées noires.

Cérémonial d’un sommet, petit fromage, photos. Par contre, faut pas trainer, la météo n’est pas vraiment avec nous, on est dans les nuages.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Et puis j’ai hâte de franchir ce passage. Il a toujours représenté pour moi un point clé du parcours.

C’est parti, un par un, Pat nous a averti que ça parpine pas mal. Je définie les rôles, je passe devant, Yannick au milieu, Jérôme derrière. On chope la corde, c’est équipé au milli-poil. Quel plaisir de passer là en sécurité. Je n’ose imaginer le temps et l’énergie qu’il nous aurait fallu pour passer sans rien. Ça ne l’aurait d’ailleurs peut-être pas fait, tout simplement.

Je fini par voir mon Gillou en contre-bas. Il me guide sur ce dernier couloir. Puis je dégage sur le côté.
Voilà Gillou, mon plus ancien pote présent sur l’aventure, celui grâce auquel j’ai rencontré Céline, est là un samedi matin pluvieux coincé à un coillu. Comme Pat et Bruno un peu plus bas, en place à des points scabreux, pour nous guider encore et nous assurer avec nos petites baskets.

Ils sont montés aux aurores, se sont fait « chier » à tout équipé pour nous voir passer 2 minutes max et nous voir tracer. Et derrière ils vont encore tout deséquiper et se taper le retour avec les gros sacs remplis de cordes, coinceurs, et autres…

J’ai le maxi-smile quand je croise Bruno et Pat, je les prendrais bien dans mes bras pour les remercier, j’essaie de l’exprimer au max. Quel cadeau ils nous font !

Dans la vire finale, c’est Adrien qui nous rejoint. Adrien chargé d’un ravito volant en flotte au Col d’Orgeval.

On sort du passage. On attaque les crêtes pour rejoindre Chaurionde. Je suis tellement sidéré, estomaqué par l’implication des trois sous-mariniers (private-joke). Tellement de merci !

Même Yannick a pris son kiff sur cette portion, j’espère qu’une bonne recharge mentale s’est faite.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Par contre pas cool, sur les crêtes quelques gouttes viennent nous chatouiller.

Chaurionde est rapidement atteint. Pas trop trainé, le ciel est menaçant… Persillé de Tignes, photos et go.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Dans la descente, la pluie se déclenche vraiment. J’ai un message de Jean qui tombe « Orage à Lescheraine ». Et le tonnerre gronde. On fait un arrêt. Je passe un coup de fil à Céline pour qu’elle me file des prévisions météo. Des averses, des averses. Fait chier. Prendre une décision, laquelle ?

Arcalod pas possible avec cette météo ? J’imagine un truc Mont de la Coche, Tré Mollard puis retour vers Arcalod si la météo nous le permet.
Mais déjà ne pas rester là.

On file au Col, Joël le papa de Yannick nous rejoint (depuis Nant Fourchu où nous attend notre gros ravito). On récupère le bidon de flotte d’Adrien. Que faire ? Ça continue de gronder. Bon décidemment on ne peut pas rester là, il faut aller se mettre à l’abri au chalet d’Orgeval en dessous du Col.

Une fois là on se pose sous l’avant-toit. Et la machine à cogiter se met à turbiner à fond ! Ça craint. Tout le monde donne son avis. Yannick est dans le mal. J’aimerais arriver à faire le point. La météo ne nous aide pas. Je sens Jérôme décidé, prêt. Pas de souci de ce côté-là. J’essaie de voir du côté de Yannick, l’encourager. Il a lâché, le froid l’attaque en plus. Je lui sors mon duvet de survie et l’entoure avec. Jérôme fait de même pour Adrien (on en parle de notre ravitailleur en T-shirt J).

Pendant ce temps j’essaie de me préparer pour la suite, remplissage des flasks, manger un peu.

Pour la suite, Yannick ne se sent pas. Dur moment. Pour lui. Quelque part pour nous. Pour moi. Pour l’OTB de Yannick, son rêve.

Je le pousse à ne pas rendre le « dossard ». il doit descendre, se mettre au chaud, dormir un peu, manger à la voiture et nous attendre pour repartir avec nous sur la suite de l’aventure. Ça va être dur mais j’ai un infime espoir que ça marche.

Tout ça, nous a mangé quand même près d’1H30 à peu près. Mais la météo semble s’être calmée. Tré Mollard et Mont de la Coche sont sous un coin de ciel bleu. Je zieute Arcalod, je sais que Jérôme aussi.

 

On se lève officiellement pour Tré Mollard et Mont de la Coche, mais je sais déjà qu’on ira direct à Arcalod.

Yannick file direct sur la voiture. Je suis déchiré de voir ça.

Finalement Joël file sur Tré Mollard et Mont de la Coche, et Jérôme, Adrien et moi attaquons l’Arcalod.

Les Bauges nous donnent leur feu vert pour l’Arcalod, timide rayon de soleil, suffisant pour sécher la roche. L’ascension, en vigilance, est un plaisir après ces moments difficiles.

On prend le temps quand même d’un coup de fil et de Whatsapp pour prévenir du déroulé des dernières heures (pas de réseau à Orgeval).

Soulagés aussi d’apprendre que les sous-mariniers sont rentrés à bon port.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Sommet d’Arcalod. Quelle récompense !

Là c’est le Langres, mon prince des fromages… mais un peu trop fort pour Jérôme. Par contre la météo tourne encore, les nuages semblent monter. On ne traine pas.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Mais au final aucun souci. La descente se fait bien à tous les 3. Et on enchaîne sur Mont de la Coche. On croise Joël qui en revient et qui descend rejoindre Yannick à la voiture. Tout le cheminement se fait bien. On est quand même heureux de retrouver le rythme et le droit d’avancer.

On arrive au Col entre les deux sommets. Mont de la Coche, montée qui pique. Jérôme se lâche une cartouche de plaisir et allume un poil. Je le comprends, ça doit faire du bien. Photos, comté et zou on file sur le sommet juste en face.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Tré Mollard se fait très vite.

Tiens ça y est, j’ai mon permis Bauges. J’ai le tampon des 14 sommets.

Un picodon, photos et allez sous le dernier ciel menaçant, on trace vers le Plan de la Limace.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Nous attend une très longue descente jusqu’au ravito.

Alpages, puis forêt, faut un peu débrancher le cerveau pour ne pas trop trouver le temps long. La flotte manque aussi (hein, Jérôme 2 flaks ça suffit pas bon sang !) et je commence à avoir la dalle. Depuis 6H00 du mat, on va arriver au ravito après 11H50 d’effort. Faut clairement recharger la machine.

On retrouve un bout de route, on file au parking du pont de la Cariat. Yannick est là. Mais pas prêt à repartir. C’est fini pour lui. Quelle immense déception pour mon Yannick, putain c’est dur de le voir ainsi.

Mais il faut que nous on continue, allez c’est parti pour le ravito, on s’installe, je demande à Yannick du coup de s’occuper un peu de nous (chauffer l’eau, préparer les nouilles japonaises). On mange, on boit, je refais le sac pour la nuit en énumérant à Jérôme ce que je prends pour qu’on ne zappe rien.

Jérôme prend soin de ses pieds (gros points sensibles). Je mesure la chance d’avoir mes pieds. On a eu les chaussettes mouillées pendant 11h00, et ras de mon côté. Tout nickel.

Maintenant Yannick. Je le booste pour qu’il nous rejoigne à Epernay au ravito de Romain. Je ne conçois pas la fin de l’aventure sans lui. Ses yeux sont pétrit de peines, de déceptions. Allez arrête maintenant, viens simplement, mon Yannick, s’il-te-plait.
J’espère qu’il aura le soutien qu’il mérite après une telle déception.

Allez 1H10 plus tard, on est enfin prêt. Ça a été un poil long, mais nécessaire. On en avait besoin. Je sais que faire souffler la machine, la recharger peut faire gagner beaucoup de temps pour la suite.

Denier by by à Yannick et son papa.

Et qui repart avec nous ? Adrien toujours la tchache, le smile… Jérôme lui a quand même filé une veste !

On repart du pont de la Cariat, et j'ai l'impression d'être un autre jour. Je n'ai pas vraiment l'impression que tout correspond. Comme si il y avait eu une frontière entre la journée que l’on a vécu jusqu’à présent et ce nouveau départ.

Il fait beau, on a droit à une belle soirée de printemps. Difficile de le concevoir après cette journée.

On repart bon rythme, ce ravito nous a vraiment requinqué. Pecloz nous attend, Jérôme et moi connaissons le monstre, mais on y va bien je trouve.

Tout le passage en forêt se fait bien, on papote pas mal tous les 3 avec Adrien. On découvre les traces du passage de Jean. Quel couillon ce Jean. Ça me fait du bien de le sentir dans notre histoire, mais c'est frustrant de savoir qu'il est passé et qu'on s’est raté.

On sort de la forêt, le monstre est là, et son assaut va nous marquer. Je visse le moindre boulon, plus rien ne doit ne serait-ce qu'un peu vibrer. Je me vide de tout et j'avance. Rien d'autres. Jérôme se glisse derrière moi dans mon silence. Adrien tente d'entretenir un moment la conversation. Puis nous laisse gérer notre avancé. On reste river l'un à l'autre avec Jérôme. Concentré sur l'entité que nous formons. Nous étions à l'assaut du Pecloz, c'est lui qui sappe nos forces.

Mais on tient la ligne, on débouche sur le cheminement final. On y est. On a pris une sacré décharge.

Un fanion OTB nous attend au sommet. Jean est passé par là, m'a laissé un message. Je suis sidéré, fier, heureux, touché, ému. Je lâche quelques sanglots.

J'ai eu tellement peur de perdre un ami le jour ou la décision a été prise de continuer malgré l'indisponibilité de Jean. Mais non Jean ne nous a pas abandonné, il est là à fond avec nous, il nous a tracé la ligne à suivre sur les prochains sommets.

Pecloz tu es beau.

Au soleil couchant tu es un empereur.

La lumière est magique.

Moment intense.

Mais nous ne marquons pas ce sommet par la dégustation d'un nouveau fromage. Je me suis régalé jusqu'à présent, mais ce n'est plus le moment. Le bide ne le permet plus. Et pour Jérôme non plus.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Jérôme et moi filons pendant qu'Adrien envoi des nouvelles à tout le monde.

Descente vers le col entre Pecloz et Armenaz. Deux jeunes chamois passent comme des balles à se courir après dans une pente improbable à une allure démente. Moment magique.

Passage au col, on enchaine avec Armenaz.

La pente est « douce », elle fait du bien, on fait fuir un troupeau de chamois à notre approche, la pénombre se fait.

Ce sera le seul sommet un peu donné par les Bauges, avec Tré Mollard. Les 12 autres en demandent tellement.

Arrivé au sommet. On récupère le drapeau de Yannick déposé par Jean. Je lui envoi la photo. Je regarde Arces – Arlicots dans la nuit tombante.

Je prends ma décision. Je n’y passerais pas. Pas ces crêtes dans la nuit. Je le dis à Jérôme.

On bascule sur le parcours de repli que j’avais tracé en cas de danger d’orage. On fait Arces en aller/retour, on redescend, on contourne le vallon de la Lanche par le bas et on monte Arlicots par Beau-Molard et les crêtes de la Lanche.

9 bornes et 900 m de d+ pour les 2 bornes et 160 m de D+ en gros des crêtes ! Mais pas d’autres alternatives pour moi à ce moment-là. Jérôme est Ok.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

On attaque la descente vers les chalets des Gardes. Dans la descente, j'ai un message de François qui s'inquiète pour la portion Arces –Arlicots à faire de nuit. Je l'informe de notre décision, puis informe Céline et le Whatsapp général.

Je trouve la descente « agréable », les frontales sont allumées, la température est agréable.

Mais en face nous attend donc cette pointe des Arces, reconnu la semaine avant. Une chienlit.

Pas réfléchir. On enclenche, Adrien venu faire un ravito volant toujours avec nous !!!

Arces ne ment pas, un départ droit dans la pente (à se demander comment on va redescendre), puis un petit bout de crêtes, puis les arcosses de m…e ! Je m’efforce de trouver le meilleur itinéraire. Pas évident à la frontale. C’est dur franchement. J’entends d’un seul coup Jérôme s’énerver après son carquois et le bâtons qui se prennent dans les branches. Je commence à connaître Jérôme. Il ne faut pas que l’énervement prenne le dessus. Je lui prends ses bâtons, les glissent dans mon dos. Juste le soulager, pas trop de mots.

On continue. On sort des arcosses. Jérôme a tapé, il est dans le dur. J’essaie de maintenir l’effort, qu’il reste coller à moi. Je sors mon téléphone, y balance dessus le Blizzard de Fauve, et place mes mains avec mon téléphone dans mon dos pour que le musique atteigne Jérôme. On continue. Jérôme tient. La musique s’achève au sommet, au drapeau de Jean pour Jérôme.

L’émotion est là.

Photos de nuit.

Je pose la question à Jérôme : « Tu nous vois attaquer les arrêtes maintenant ? ».
Pas besoin de réponse, on sait tous les deux. Ça va être dur ce détour mais nous n'avons pas le choix.
Jérôme me répond quand même : « Ce serait comme sauter dans le vide ». Et c'est exactement ça.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

On repart à la descente. C’est un peu moins dur. Les arcosses sont toujours de m…e, mais on ne les remonte pas, on les descend. On finit par passer. Petit bout de crête, la descente dans le raide. Paf j’y troue mon pantalon de pluie.

Grace au point Gps pris par Jérôme on retrouve notre jerrican. En place nickel. On refait le plein des flasks. Et Adrien accepte en plus de le redescendre à la voiture.

Bon ça y est, on est arrivé au bout de notre ravitailleur de choc, 40 bornes, 4000 m de D+, on a réussi à l’entamer un peu.

Reste quand même encore la descente depuis le chalet des Gardes à faire ensemble, puis c’est le moment de se séparer. Merci Adrien pour celle-là !!

On suit ma trace, mais rapidement on se retrouve sur une langue de neige de la coulée venant du vallon de la Lanche… et tout a été emporté. On tâtonne. C’est la merde. On retrouve un chemin. Mais il semble sortir de ma trace. Je sors la carte. Ça semble correspondre, mais on n’est pas sûr à 100%. On est fatigué, plus envie de chercher, pas envie de se lancer sur un sentier et que ça ne soit pas le bon. Purée là c’est dur. Jérôme Whatsapp « on est perdu » pendant que je regarde la carte. Jean répond « Vous êtes où ? », puis le téléphone de Jérôme sonne. C’est Jean. Vous êtes où ? Jérôme lui explique. Jean répond, c’est bon vous devez être sur le bon chemin, mais je suis au chalet de Bottier, j’arrive.

JEAN ARRIVE !!! Bordel, il est minuit et il déboule à ce moment-là !!!

5 minutes après, on entend un appel, on répond, une frontale arrive, on lui tombe dans les bras.

Merci Jean. Putain je suis tellement fier d’être ton ami. Merci, merci, merci !
La déception de ne pas prendre le départ avec nous a dû être terrible, mais n’a rien emporter. Tu es là et tu te mets aux services de notre périple. Tu es grand, je le savais. Tu es immense, je le savais aussi.

Dans ma tête, je lui file les clés du camion.

On repart, sa présence au cœur de la nuit nous fait vraiment le plus grand bien.

On file jusqu'au chalet de Bottier. Ça craint je ne reconnais rien. On décide de continuer sur ma trace. Puis enfin on bifurque sur la gauche.

On traverse d'abord un champ avec des veaux très curieux qui nous suivent. Ça fait drôle en pleine nuit. Puis on attaque l'ascension d'Arlicod.

Et elle va faire mal. Jérôme s'accroche derrière Jean. Mais c'est dur. Faut dire que c'est raide, interminable.

Encore une qui paye. Cher.

On passe enfin sur l'épaule, et la lune nous accueille. C'est magnifique. Mais on file encore, Alicots est plus loin.

On y arrive enfin. On se pose un peu. Photo avec Jean pour annoncer à tous, sa présence avec nous. Mais là, pas d'euphorie. On voit le Grand Parra, et c'est loin.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Bon je me lève, le Grand Parra nous attend, et surtout cette arête.

Jean nous annonce qu’il ne vient pas. Il nous attend un peu plus bas que l’on revienne.

Je ne me laisse pas atteindre par ça. Je connais trop bien Jean, je connais les limites de son engagement, sa connaissance de lui-même, et le respecte tellement que cette décision ne me surprend pas et ne me déstabilise pas (trop). Elle éveille juste en moi une vigilance encore accru.

Comme depuis le début, je prends les événements un par un, les fait miens, en fait des paramètres supplémentaires dans cette équation Baujus.

Par contre je reste perturbé car ce qui s’annonce ne correspond pas du tout à ce que j’avais en tête. Lors de la reco avec Jean, j’avais gardé en tête que le point chaud avait été Arces – Arlicots, et du coup Arlicots – Grand Parra était passé « facilement » et de façon assez courte.

Cette impression s’était ancrée en moi, et j’en avais fait une vérité. Mais ce n’était qu’une impression !

La vérité du terrain s’avère rapidement autre. C’est une arrête, un vrai, surtout de nuit, surtout avec ce que l’on a déjà dans les papattes. Une qui demande de poser les mains, de bien regarder où se pose le pied, qui demande de déchiffrer le terrain pour trouver le cheminement, de faire abstraction des lumières là-bas tout au fond, très loin dans de la vallée…

On évolue ensemble, soudé.

Je ne cherche rien, je ne prouve rien, je suis là, entièrement à ce que l’on est en train de faire au moment présent. Le Grand Parra se découpe dans la nuit à la fois de façon très lointaine et très proche. Il semble être là, à portée de main et pourtant l’évolution est lente et il semble se maintenir toujours à la même distance.

Première fissure, Jérôme a un doute. Mais il est là avec moi, et il reste là avec moi. Il m’a filé les clés. En confiance.

Je n’émets pas un doute. J’absorbe les choses, un paramètre de plus. Suis-je à ma limite ?

Non.
Elle sera atteinte peut-être 50 m d’arrête plus loin. Je regarde le Grand Parra. Ok, tu ne veux pas de nous.

Je l’accepte.

Ce qui se présente devant nous serait le pas de trop de cette belle aventure.

De l’humilité, la montagne, même à notre petit niveau, en demande. J’essaie à chaque sortie, depuis toujours, et avec Jean sur les planches, de toujours le garder en tête.

A cet instant, là, il est temps pour nous de stopper.

Je l’annonce à Jérôme. C’est ok pour lui.

On regarde une dernière fois le Grand Parra si près, si loin, et on enclenche le retour vers Jean.

Concentré. On ne relâche pas notre vigilance.

Arlicots. Jean est redescendu un peu plus bas. On s’assied 5 min avec Jérôme. On doit absorber les choses.

Jérôme est affecté par ce sommet manquant. « Philippe, mais qu’est-ce qu’on fait là ? »
Le challenge lui semble foutu du coup.

Je ne sais pas pourquoi je ne le prends pas comme ça. Rien n’a changé pour moi.

L’aventure est trop belle, l’énergie de tous, la possibilité de faire ça, la nuit magnifique, l’amour autour de nous… Tout est toujours là. Rien n’a changé au final.

Je pressens l’unicité dans notre vie de ce que l’on est en train de faire.

J’essaie de l’exprimer à Jérôme, peut-être pas aussi clairement que là. Je lui dis en tout cas ce que je ressens, que notre décision est la bonne, que rien ne change.

Et je sais avec mon Jérôme, que tout va cheminer et faire sens dans son esprit et son cœur.

On repart, on a hâte de retrouver notre Jean.

J’annonce sur Whatsapp à tous nos suiveurs, notre décision. La bonne. Ça fera 13.5, ou 13.8 sur 14. Ou un petit 14 parce que le détour entre Arces et Arlicots n’a pas été gratuit et le tarif était conséquent.

Peu m’importe de toute façon. Tout ceci est vécu pour moi, mes amis, mes amours et leur regard.

Jean est rejoint un peu plus bas. Je me love de nouveau dans la sérénité que nous apporte sa présence, la quiétude de le savoir avec nous, ce sentiment que je ressens à chaque sorties partagées.

Il reprend les clés du camion et nous emmène vers la suite.

La descente demande son lot de cassage de fibres. Jérôme souffre avec ses pieds. Même l'accroche mentale se fait moins, ça devient vraiment très dur pour lui. On finit par arriver à la piste qui doit nous amener aux chalets des Abrets, juste sous la Dent d'Arclusaz. Le jour se lève tout doucement. J'éteins ma frontale sur cette piste.

On arrive aux chalets. On se pose sur le premier banc du premier chalet. Comme ça, d'un commun accord, sans réfléchir. Je ne sais pas si ce n'est pas un de mes moments préférés de cet OTB. On est hors du temps, shooté par la nuit, les efforts, les émotions. On délire gentiment, la moindre connerie nous fait rire. Et surtout on se tape chacun un snickers de Jérôme. Je ne sais pas si j'ai déjà pris un meilleur déjeuner que ce snickers face au Grand Para et Arlicots.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

On redémarre. Ce qui est dur par contre c'est que Jérôme parle d'abandon, il est à son bout. Il parle de monter Arclusaz (et ainsi valider son permis Bauges) et que ce sera fini pour lui. Mais il me semble serein, et en paix avec lui. Il dit même attendre le sommet et qu'il verra. Je respecte ça. Je comprends ça.

 

On monte, le début va bien dans le vallon. Puis on attaque le raide. Comme toujours ici, ça se mérite !

Mais on progresse, tranquillement, sûrement, guider, rythmer par le pas de Jean

Sommet atteint. Au soleil. C'est bon !

Photos bien sûr ! Une petite pensée à Arclu.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Je sais plus où exactement ? Au sommet, ou au début de la descente dans les câbles, Jérôme m'annonce qu'il arrête, qu'il a demandé à Armony de venir le chercher à Epernay au prochain ravito.

Je comprends, je ne lui en veux pas. J'ai la chance d’avoir des pieds qui ne craignent pas, mais à sa place je serais beaucoup, beaucoup moins résistant à la douleur.

Je regarde ma feuille de route, il me reste 38 bornes ! 38 !!! Heureusement Jean est là, prêt à en découdre.

On passe le verrou pour basculer côté Ouest. On attaque la descente. Jérôme souffre et n'arrive pas vraiment à courir.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Je lui demande alors si je peux tracer. Si je veux continuer maintenant il faut que j'enchaîne. Bien sûr me répond Jérôme. Je dis à Jean de rester avec lui. De toute façon je vais me ravitailler en bas, et on se retrouve à Epernay. Jérôme n'est pas d'accord et demande à Jean de partir avec moi. A cet instant c'est moi qui reste sur l'OTB, Jean doit rester avec moi.

Du coup, on trace. Dur au moral. Je ne veux pas réfléchir et me focalise sur Epernay.

Mince, on s’éloigne de la trace, on a loupé une bifurq, on remonte, on se lance dans le chemin, et arrive Jérôme. Quand même pour un mec qui abandonne, ça m'a l'air de droper.

On continue de filer avec Jean, Jérôme pas loin derrière au début.

On arrive enfin à Epernay, on péclotte dans le village pour retrouver Romain et Armony.

Romain qui vient de passer la nuit à nous attendre dans sa voiture, c'est dément. Quelle joie de le voir.

Armony est là aussi... Mais pas du tout décidé à emmener son Jérôme à la maison. Non pas du tout du tout ! Elle est là, prête à le soigner, à tout faire pour qu'il reparte. P...n qu'est-ce que je kiffe de voir ça !!!

Et sur Whatsapp apparemment ça a fusé aussi pour encourager Jérôme !!!

3 minutes après moi, on voit arriver une fusée. Au rythme, je sens que quelque chose se passe. Ce n'est pas un mec qui lâche qui arrive là, c'est un mec qui en veut !

Jérôme se pose sur le tapis, me regarde, j'ai compris, on repart ensemble !

Et c'est parti, Armony se met à fond pour soigner les pieds de Jérôme, Romain nous prépare deux soupes, nous fournit en flotte, Jean est aux petits soins. C'est reparti, c'est dément !

P...n , je suis fier du mec assis à côté de moi.

Voilà il a abandonné il y a une demi-heure, une heure, il a totalement lâché prise, il abandonné toutes les mauvaises raisons pour lesquelles parfois on a l’impression de courir (égo, confiance en soi, pression du résultat, ..)…

Et maintenant ça repart pour les bonnes raisons, les vrais celles qui font aller loin, celles qui nous portent vraiment, les essentielles, celles qui seront toujours là, celles qui restent : les potes, le plaisir pur du dépassement de soi, son père, la fierté de sa mère, le regard d’Armony…

Jérôme était déjà immensément costaud. Mais là t’as trouvé la force, je te l’ai dit, celle qui ne te quittera plus jamais. Celle qui t’amènera là où tu décideras d’aller.

Je suis fier de voir ça, je suis fier de partager ça avec ce mec-là, de vivre des moments comme ça.

Entre-temps faut quand même motiver Romain qui se verrait bien rentrer chez lui après la nuit qu'il vient de passer. Nan mais ô, ça va pas ou quoi ? Le plan était de nous accompagner et c'est ce plan qu'on va mettre en action !

Bon on finit de se préparer, et nous voilà parti à 4.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Quel kiff. L'arrivée de Romain parmi nous fait du bien, un vent frais s'engouffre, les conneries fusent. C'est bon !

De nouveau, la montée, même en marche nordique, se méritent. Jérôme se colle à Jean. Je connais ça, c'est le meilleur moyen d'aller loin, très loin !

On arrive enfin sur les crêtes, il faut filer maintenant jusqu'au chalet de la Fullie. Je trouve ça très long. J'ai envie d'en découdre avec le Colombier. Mais toute cette approche me semble très longue.

Dans la montée finale au chalet, on croise un traileur. Tiens, un vainqueur de l'EB 2015.

Maintenant, c'est un passage en forêt puis une longue traversée, pffffff j'en ai un peu marre.

Mais on arrive enfin au pied du raidard final. On s'y lance. Jérôme s'accroche toujours. De toute façon maintenant il ne lâchera plus rien. Le sommet est pervers car il se cache un peu derrière le terrain. On croit être proche de la fin, et non la suite se dévoile. Je crois que ça nous le fait deux, trois fois. Mais bon comme d'hab, on finit bien par y arriver !

La vache ! On se pose avec Jérôme. Photos ! Et on déguste un sneaker. Trop bon !

Et les conneries fusent. C'est bon d'être accompagné ! Quel plaisir !

Allez, il n'en reste plus qu'un !!!

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

C'est parti. Je pars avec Jérôme. Je reste un peu avec lui, puis j'ai les cannes, et j'ai envie de me faire un peu plaisir dans cette descente raide, alors j'allume un peu ! Quel plaisir de voir les jambes répondre ! Le kiff !

Au col j'attends Jérôme, et on repart. Les deux autres nous rejoignent peu après. On continue. Je continue un peu de profiter de la descente. On se regroupe, on atteint les chalets de la Fullie. Et on trace direction La Compôte.

Là on a hâte, le pic-nic, prévu à l'origine pour l'arrivée, a finalement été délocalisé à la Compôte sur un point de notre passage ! Et tous nos amis nous attendent. Et Lola et Céline pour moi. J'aimerais vraiment y être.

Mais l'OTB se court ensemble et se finira ensemble. Et là avant de rejoindre tous nos amis, on va surtout se taper une grosse section de route forestière bien languissante. On arrive enfin à la Compôte, on traverse le village, on reste sur ma trace, personne. M...e, j'ai pas compris, ils sont un peu à l'écart de la trace. On traverse un champ, on remonte un chemin.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Ils sont tous là.

C'est un truc de malade !

Lola saute dans mes bras, j'ai à peine le temps de faire un bisou à Céline.

Et essayer de profiter d'une parcelle de tous les présents. Vous nous faites un tel cadeau en étant là. C'est dément !

La famille Ferlisi et Maxou qui vient me tirer sur le bas du short pour que je lui fasse un bisou, et Tim, et Julien encore et toujours là, et Caro qui me touche en me disant qu’on est des très grand malades.

Le sourire étincelant de Stéphanie, la présence de Julien venu de Grenoble pour me voir passer pourquoi ? Même pas une heure. On en a tellement fait des bornes ensemble depuis le Défi 2008 ! Je suis vraiment tellement touché de vous voir.

Chris, Marion, Lisa une belle famille, un mec en or, j’ai tellement envie de faire des bornes avec toi Chris, qu’on confronte encore et encore notre vision du monde et de la vie, j’ai envie de rire à tes blagues au cœur d’une nuit !

Fredo, Sab et Mélie, mon Fredo à fond dans le barbeq , mais prêt à remettre les baskets pour aller monter une nouvelle fois dans son jardin, Sab avec le nouveau chien de la maison , Mélie belle comme un cœur.

Joël et Carla, présent même si Yannick a dû stopper ; Joël dans les starting-blocks pour se remettre un petit Trélod !

Adrien, grand fou, il n’en a pas eu assez. Il est là basket aux pieds prêt à en découdre de nouveau, le smile et la tchache en bandoulière !

Les Gitenet au grand complet, François prévenant avec moi, à fond dans son rôle de ravitailleur, Blandine le sourire resplendissant, Agathe petit bout de brune, et Alexis petit bonhomme à fond en train de jouer

Et Yannick, mon binôme, mon ami, quel plaisir de te voir présent, quel plaisir d’avoir ta présence, de te voir surmonter ta déception pour nous. Ta présence à ce moment-là est un élément indispensable à la réussite complète de cette traversée. Merci sincèrement !

Armony, encore et encore aux petits soins de Jérôme, décidé à monter avec nous au Trélod !

Je me pose à côté de Jérome. On est bien là, hein ? C’est dément ?

On vit des shoots de plaisirs, d’émotions.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Un regret, il manque la présence de Pat, Gillou et Bruno. Mais en bon montagnards, ils sont allés continuer à vadrouiller dans la montagne.

Bon on ne lâche pas mentalement quand même, il en reste un à gravir.

Je croque dans tout ce qui présente, des bonbons, des pâtes, de la pastèque et même un bout de saucisse !

Céline est là, présente, attentive, elle a de nouveau tout géré pour que ce moment se passe. Elle sait que je kiffe tellement de vivre ça. Elle me connait par cœur. Elle sait tout ce que je ressens. Toutes les étoiles qu’elle plante dans mes yeux. On a vécu tellement de choses très très fortes de cohésion, de vie de couple, d'amour, de projection de vie en quelques minutes sur un ravito.

Bon, allez on y retourne !

Jean et Romain, les fidèles, sont prêts aussi, ils chargent nos flasks supplémentaires pour nous éviter de trop porter, comme depuis Epernay.

Tout le monde se prépare, on va être 10 à monter : Jérôme et moi, Jean et Romain, Yannick, Adrien, Joël, Armony, François et Fredo,

Même dans mes rêves les plus fous, je n’imaginais pas qu’on monterait si nombreux. C’est dément de se sentir soutenu comme ça.

J’ai la présence d’esprit de remercier tout le monde, d’essayer de leur faire comprendre l’importance de leur présence.

On prend des photos, des bisous sont échangés, et on commence à avancer.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Lola me tient la main. C’est bon… mais c’est dur car je dois lui dire de la lâcher, faut que je continue. C’est dur pour mon p’tit bout de me voir de nouveau partir. J’espère que quelque chose de bien sortira de ça pour elle. Qu’elle voit son père aller chercher ses rêves, qu’elle voit l’énergie de l’amitié, le soutien d’un groupe. Que ça s’ancre en elle.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Dernier tapage de pogne avec mon poulo (qui aurait bien aimé nous accompagner mais compliqué de planter Stéphanie et pour le retour sur Grenoble). Mais tellement de merci d’être venu à vous deux !

Le début se fait en mode colonie de vacances, c’est génial. Prendre le temps de discuter avec chacun.

On passe le Magnoux. On attaque la montée proprement dite. Et là, bim ça tape ! Jérôme a compris, il s’accroche au pas de Jean.

La montée va se dérouler au rythme imprimé par Jean au choix de ses pauses. Jérôme est tellement entre de bonnes mains !

Le passage de la cascade est somptueux, impressionnant par endroit pour Romain. On rejoint la crête, nous reste ce long cheminement suspendu. C’est superbe, les Bauges sont splendides, dures parfois, sauvages et tellement belles. Dans ces pentes, nous franchissons notre 100ème kilomètres, puis notre 10 000ème mètres de D+. un sacré joli ratio !

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Passage avec les mains. On s’est regroupé avec Jean, Jérôme et moi. Fredo nous accompagne.

Le sommet s’approche. Chaque pas nous en approche.

Quelques mètres, Jean s’écarte, nous avançons symboliquement ensemble Jérôme et moi. Ca y est le dernier sommet des Bauges est à nous. On se prend dans nos bras. L’émotion nous serre la gorge. Nos regards en disent long à tous les deux.

J’aurais attendu une joie explosive, et c’est un sentiment doux, apaisant qui m’envahit. Un accomplissement !

Je pousse pourtant un cri libératoire !

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Jean repart sans rien dire, pour voir comment s’en sort Armony.

Petit à petit tout le monde arrive.

Ce moment est à nous tous, dément. Joie. Plénitude.

Les photos, le dernier fromage, une Tome des Bauges a partagé tous ensemble.

François sort une impression du « logo » de notre traversée. Il avait tellement tout préparé !

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

J’en profite pour faire une photo à 4 : Jérôme, Jean et Yannick à l’origine du projet et moi.

Ce moment est à nous.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

On attaque la descente. Je me porte devant, j’ai envie de courir ! Les jambes veulent tracer. Faire cracher ce qu’il reste ! Quel pied !

Puis sous la Dent des Portes, on se regroupe une dernière fois.

Au départ, elle était sur notre trace celle-là, symboliquement. Mais en fait, ça n’a plus lieu d’être. Il est tard, Jérôme souffre vraiment, totalement des pieds, il est dimanche soir et certains sont encore là avec nous.

On descend donc direct. Jérôme a dû mal à encaisser cette dernière descente, ces cailloux. C’est tellement dur, quelque part le game a pris fin, là-haut au sommet du Trélod. Ce serait tellement bon que ça s’arrête. Heureusement, le chemin devient moins caillouteux en forêt. On est maintenant tous les 4, Armony, Jean Jérôme et moi.

J’ai la chance de passer un appel vidéo à Lola avant son dodo.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Et enfin, on arrive au parking !

Et on a droit à une véritable arrivée. Julien, Adrien filment. J’ai l’impression que ça crie, ça applaudi. On franchit la ligne (un beau fil bleu de clôture).

On tombe dans les bras l’un de l’autre avec Jérôme. C’est indescriptible comme sentiment.

Le kiff est absolu.

On l’a fait !

François me tend une bouteille de champagne !!!

Je suis sidéré.

Julien est là, il était là au départ, il est là à l’arrivée. Vous êtes des fous.

J’espère mériter des amis comme vous.

Ce moment est unique. Magique. Etincelant.

J’ai un pincement au cœur, il me manque Céline et Lola. Céline aurait tellement aimé être là.

Un repas s’improvise, François a sorti une table et deux chaises.

Des rires, du champ, des bières, du fromage, des blagues, des saucisses, des M&M’s, chacun raconte son OTB … Une sorte de banquet de fin d’album d’Astérix et Obélix.

Des moments comme ça devraient durer une ou deux éternités.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus
2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

Mais j’ai hâte de retrouver aussi Céline. Alors on lève le camp, il est temps que chacun rentre chez soi.

 

Je crois que j’avais rêvé que cet OTB soit un immense partage. Il l’a été au-delà, bien au-delà de toutes mes espérances.

Un creuset rempli d’amour et d’amitié.

Une expérience forte, unique je le sens.

14 sommets ou 13.8, 13.5, 13… peu m’importe au regard de l’humanité de ce que l’on a vécu.

 

Au niveau personnel, je suis sidéré de la façon dont j’ai encaissé cette traversée. Rien ne m’a vraiment atteint, je suis parti doucement, comme pour l’EB finalement, et j’ai toujours été bien, prêt à monter (certes peut-être pas bien vite sur la fin) et à dérouler en descente. Un vrai kiff, sans bâtons et sans l’impression qu’ils m’aient jamais manqué. Je ne pense pas avoir jamais autant potentialisé, optimisé mes capacités. Un truc de fou en plus à ajouter à cet OTB.

 

François me dit en rangeant les affaires dans la voiture : "Que personne ne vienne me dire que le trail est un sport de solitaire ".

C’est tellement vrai, mon François ! Je crois qu’on l’a démontré de la plus belle des façons ce week-end.

Le partage en tout et pour tout. Valeur clé de notre petit groupe.

 

Un grand penseur (Didier Deschamp) a dit à ses joueurs après avoir gagné le Mondial, qu'ils ne seraient plus les mêmes après ça, et qu'ils seraient liés pour toujours par ça.

C’est exactement mon ressenti envers mon Jérôme. Une King Line nous lie désormais.

On a été des montagnards, de ceux qui doivent nous inspirer, de ceux plus fier de leur demi-tour que ceux qui ne sont plus là.

On a fait corps avec notre projet, on s'est adapté à ce que la montagne nous donnait.

Je suis fier de nous Jérôme.

2019 06 22 Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 Baujus

                                      

L'activité Strava ici


Et parce qu'on a vécu tous les deux quelque chose de fort et d'extraordinaire, et que je veux en garder absolument la trace, maintenant le CR de Jérôme. L'autre face du miroir.

OFF de la Tôme des Bauges (OTB – 107km 10500 D+)

 

Dimanche 23 juin 2019 – 17h :

Le sommet se dessine : une succession de blocs de pierre à escalader et désescalader. Je suis Jean sans vraiment relever la tête. Il ne reste plus que quelques mètres et l’objectif sera atteint. Je sens l’émotion m’envahir ; Philippe à mes côtés, on avance droit devant. Il est là, juste devant nous…l’objectif est atteint : le 14ème et dernier sommet de ce long périple !

Ce long périple qui a pris vie 36 heures plus tôt, au départ du sentier pour monter à la Dent de Cons…

 

Chapître 1 : Il y a un commencement à tout

Samedi 22 juin 2019 :

Un traditionnel réveil aux aurores vers 3h15 ; je prends mon petit déjeuner et je prends surtout conscience que le jour J est arrivé. Je n’ai pas l’implication de mes 2 autres camarades d’aventure dans ce projet, mais je me sens fier d’y avoir été convié et fou d’avoir accepté. Fier et humble à la fois car pour avoir déjà parcouru 12 des 14 sommets et m’entrainer régulièrement dans les Bauges, je sais que le parcours ne se laissera pas apprivoiser facilement.

Petite présentation technique : une trace GPS de 90km pour plus de 9000m de dénivelé, une succession de sommets à fort dénivelé, de la ligne de crête engagée, des pas de 3+…

Un parcours où le trail trouve ses limites et où la montagne impose ses règles du jeu. Un truc sympa en gros !...

Je dois le dire nous sommes motivés, surmotivés et inquiets également. Armony s’est levée pour me déposer chez Philippe. Départ 4h05, il fait nuit noire et il pleut. Dans la voiture, Armony me dit « regarde les éclairs au loin ». Etrangement, je ne les vois pas du premier coup mais l’orage est finalement bien présent.

On arrive chez Philippe qui est déjà sur le parking. Premier sourire en le voyant ; Yannick nous rejoint rapidement avec Julien qui va nous emmener direction la Dent de Cons pour commencer.

Petit bisou à Armony, « je pars en weekend je reviens dans 2 jours ».

Dans la voiture la bonne humeur règne, le temps est toujours mauvais mais au fur et à mesure celà s’éclaircit. On arrive 1h plus tard sur le parking pour prendre notre départ. On s’équipe, on se déleste de quelques affaires car Julien nous fera également le premier ravitaillement avant la montée du second sommet et c’est parti.

Philippe emboite le pas, c’est l’homme de la situation. Il n’en est pas à son coup d’essai, plusieurs UTMB à son actif. Bref, toi le petit nouveau dans ce genre d’effort, tu restes derrière !

Ça monte, ça parle, c’est sympa, les escargots sont de sortie ; en soit, rien de très passionnant à raconter. On arrive au sommet avec déjà 15min de retard sur les prévisions. Autant le dire tout de suite on va être à la rue totale ! Donc je ne parlerai plus de prévision à l’avenir dans mon CR.

Premier morceau de fromage arrivés en haut et il est temps de redescendre. Un morceau de fromage ? Pourquoi ?... Parce que, dans la conception du projet, en tant que fins gourmets ils ont décidé de manger un fromage différent du cru à chaque sommet. On commence par une Tomme de Savoie et on finit par une Tome des Bauges. Parfait comme ravitaillement !

La descente est technique et glissante, on prend notre temps. Arrivés sur le bas de la Dent de Cons, la trace GPS semble se perdre dans une forêt dense et humide. On tricote (on va aimer ça…), on cherche un passage mais rien n’y fait. On finit par reprendre la route avec déjà un petit détour.

Julien nous attend à Seythenex avec les pains au chocolat ; il est surpris de nous voir avec du retard (beaucoup de retard !).

On mange un bout, on se change, on prend le matériel nécessaire et on repart direction la Sambuy. Le temps joue avec nous, les éclaircies nous laissent l’espoir d’une amélioration, mais en une fraction de seconde, l’espoir est balayé par une épaisse couche nuageuse.

Nous passons dans un chemin forestier rempli de terre boueuse, ça colle aux chaussures, ça glisse. On ne dit rien, on grimpe et on fait avec. Arrivés au niveau de l’alpage en direction de la Sambuy, la forêt laisse place à un paysage de montagne, les barres rocheuses du sommet se dressent droit devant nous. Nous avons la chance de croiser 2 marmottes, moi qui n’en avais jamais vu depuis maintenant 3 ans dans la région !

Peu avant l’arrivée au sommet, Yannick commence à se mettre en retrait. Il a des crampes et dans ce genre de chose je sais que le mental en prend un coup, que les idées noires arrivent aussitôt et c’est justement celles qu’il faut balayer d’une traite et avancer en gardant le cap.  Ne pas se poser de question. Je vois Philippe se mettre à sa hauteur et lui dire quelques mots. A mon tour de lui dire que pendant mon 1er Alpsman, le seul coup de mou que j’avais eu en vélo était au 50ème km et que finalement cela ne s’était plus jamais reproduit. « Allez Yannick ne lâche rien, tu as encore à prendre dans cette aventure ». 

Arrivés en haut du 2 ème sommet et accessoirement le 2 ème plus haut Sommet des Bauges : petit bout de fromage ! Une partie technique et difficile se dessine : la descente. Mais ce n’est pas ce qu’il va se passer puisqu’en réalité on a une équipe de choc qui a été à pied d’œuvre depuis 5h du matin pour nous sécuriser le parcours ! Une équipe composée de Pat, Gilles, Bruno, 3 mecs en or, 3 vrais montagnards. Ils nous ont équipé la descente par des cordes fixes, on y retrouve tout le matos d’Alpinisme. Une sorte de showroom à ciel ouvert !

Pour un Picard comme moi cela m’impressionne et je pèse l’immense fierté de voir tous ces efforts mis en œuvre pour nous aider et faciliter notre descente. On a donc le choix entre soit prendre la corde avec les mains, soit enfiler baudrier + longe pour descendre. Le choix est permis ce sera donc avec les mains ! On passe chacun notre tour pour éviter les chutes de pierre. J’apprendrai au passage une nouvelle expression « ça parpine pas mal » comme dirait Pat.

Gilles nous guide à mi-parcours, Bruno et Pat nous attendent un peu plus bas. On passe rapidement, on les remercie comme il se doit. Au passage, le hasard a fait que j’ai appris que Bruno habite dans la même résidence que moi à Gruffy ! Donc Bruno si tu me lis, n’hésite surtout pas à passer prendre l’apéro. Ma porte te sera bien entendu ouverte (message similaire pour Pat et Gilles si jamais vous passez dans les environs). 

 

Chapître 2 : La transition

Sur le bas de la Sambuy, Adrien nous a rejoint. Adrien c’est un mec de 30 piges, passionné de montagne, d’escalade et d’alpinisme. Je l’avais croisé sur Lavy des Cimes en décembre mais je ne lui avais jamais parlé plus que ça. Son rôle était de nous monter une bombonne d’eau de 5l jusqu’au col d’Orgeval. Au vu de notre retard (en nous suivant sur le « live Whatsapp »)  il a décidé de nous rejoindre sur le parcours.

C’est donc avec le plaisir de le voir que nous continuons en direction du 3ème sommet, la pointe de Chaurionde, séparée par une longue arête depuis la Sambuy. Le temps se couvre rapidement, l’arête est humide mais rien ne peut nous arriver (du moins c’est ce que je me dis) ; on passe l’arête rapidement sans aucune peur ou crainte. Le pas est sûr.  Yannick semble souffrir à nouveau de ses crampes, « allez un 3ème sommet, un bout de fromage et on trace ». Il commence à pleuvoir, le ciel s’assombrit, c’est mauvais…

On s’arrête dans la descente pour regarder la météo, Philippe appelle sa femme pour connaître les prévisions. Les prévisions météos sont bonnes, mais elles ne doivent pas s’appliquer aux Bauges… Il pleut maintenant de manière très soutenue. J’en profite pour enfiler un pantalon de pluie. L’orage est là, il est maintenant question de se mettre à l’abri. La situation n’est pas rassurante. On décide donc d’aller s’abriter au niveau de la ferme en dessous du col d’Orgeval. Le père de Yannick nous a rejoint.

On se pose contre le mur sur un petit banc fait main, le doute commence à s’immiscer dans nos têtes… Le temps est vraiment mauvais, le parcours va devenir glissant, dangereux et le 4ème sommet à grimper est le roi des Bauges : l’Arcalod avec 300D+ de grimpe facile et donc de descente… Vivement déconseillé par temps de pluie et suicidaire sous un orage.

Yannick accuse le coup, ces douleurs ont envahi son mental, tout se chamboule dans sa tête et le froid commence à le saisir. Philippe lui sort une couverture de survie, le réconforte, lui dit de réfléchir, de positiver, ce qui se passe à l’OTB reste dans l’OTB. Je suis peiné pour Yannick. Mais il y a des jours sans et malheureusement « ce n’est pas tombé le bon jour pour toi ». Adrien commence à avoir froid également. Le mec en short / teeshirt sous un orage et une pluie battante qui a juste froid car il ne bouge pas… Une espèce d’extraterrestre… Je sors également ma couverture de survie pour lui.

La situation est délicate, d’une part Philippe remobilise Yannick et d’autre part on essaie avec Adrien de rigoler de la situation, on parle, on tue le temps mais on sait au fond de nous qu’une décision doit être prise tant pour Yannick que pour la suite du projet. Philippe propose à Yannick de redescendre au niveau du parking de Nant Fourchus, de se reposer, de faire le vide et de repartir de plus belle avec nous. Le moral des troupes n’est plus au beau fixe, l’orage nous a pris 1h30 de notre temps, notre retard est considérable. Le père de Yannick nous indique qu’on va passer les arêtes de nuit. Bref ça semble bien mal embarqué. Adrien positive, nous dit que peu importe l’horaire d’arrivée, c’est encore jouable. Et il a raison !!! 

On repart, l’idée est d’aller sur Tré le Mollard / Mont de la Coche et revenir sur l’Arcalod quand les inquiétants nuages au-dessus de lui seront partis.  On trace au plus court avec Philippe, Adrien et le père de Yannick. Arrivés au croisement entre la direction de l’Arcalod et les 2 autres sommets, Philippe me demande ce que j’en pense. Pour moi l’Arcalod est faisable, peu de nuages inquiétants, il faudra toutefois être vigilant à la descente comme à la montée.  Le père de Yannick, attiré par un début de ciel bleu prendra la direction opposée vers Tré le Mollard.

On emboite le pas sur la montée de l’Arcalod, on va l’avaler à 3 celle-là. Arrivés au sommet, la photo, le bout de fromage, et on commence la descente avant que les nuages nous reprennent. Nous voilà reparti pour aller chercher le 5ème et 6ème sommet. Le temps est toujours incertain mais nous avons confiance. On marche, on court, on relance dès que possible. On bavarde, on pense à Yannick, on se dit qu’il va peut-être se remobiliser et repartir de plus belle. On y croit mais la chance que ça se réalise est minime. On arrive sur les pentes du 5 et 6ème sommet : check, bout de fromage sur le 5 et 6ème (ils sont côte à côte). Il faut redescendre tout en bas maintenant, on a quasi plus d’eau et ça se fait sentir ; voilà maintenant plus de 10 heures que nous sommes partis. Il est donc 16 heures.  Une longue descente vers le parking de Nant Fourchu commence, un bon 10km de mémoire. Cela semble interminable mais le beau temps est de nouveau parmi nous ! Et il ne nous quittera plus jamais.

 

Chapître 3 : Se remobiliser

Arrivés sur le parking, notre sac d’allégement nous attend. On a prévu 1 heure de coupure, même à la bourre on va les prendre et ça va faire un bien fou. On en profite pour manger, se changer, faire sécher les pieds, les chaussures, les vêtements de pluie. Un bivouac à ciel ouvert. Je suis ébahi par la mise en place du ravito de Philippe. L’expérience en action, j’apprends tellement en méthode de gestion d’un ultra. Couverture sur le sol, pieds à l’air libre, on prépare le fond de sac, on mange. Je lui demande ce qu’il en pense, ce qu’il faut que je prenne. Je prends une petite soufflante (toujours bien veillante) car je n’ai que 3 flasques de 50 cl alors qu’il en faudrait 5… En fait pour faire simple, j’ai l’impression d’être un touriste…

Yannick nous fait part de sa décision finale, il ne repartira pas. Je ne m’attarderai pas sur les échanges que nous avons avec lui ; nous comprenons sa décision et sommes tristes pour lui. « Tu ne méritais pas ce scénario ! T’étais prêt !». On fait face mais au fond de nous c’est un gros coup de bambou qu’on vient de se prendre et ça, ça fait chier ! 

Notre ravitailleur, transformé en « pacer » de luxe (Adrien), décide de monter avec nous au Pecloz. Il tourne à quoi ce mec ? Incroyable. On lui donne de quoi s’alimenter, se ravitailler, je lui donne un tee-shirt manches longues (ça doit être une tenue d’hiver pour lui !).

On repart direction le Pecloz et ses 1200/1300 D+ sur 4 ou 4.5 km, celui-là il va nous sécher sévère et on le sait d’avance. On dit au revoir à Yannick, qu’on souhaite le revoir demain pour faire les 2 derniers sommets avec nous.

La première partie se fait correctement en sous-bois, le temps a changé du tout au tout, il fait bon, très bon même ! On croise quelques pierres sur lesquelles « OTB » est marqué dessus. Mais non ! Impensable Jean est passé par là et nous a marqué le passage.

Petit aparté, Jean est un des initiateurs du projet, et il n’a pas pu prendre le départ, malheureusement. C’est aussi un « Péquenaud » de Gruffy et un ami que j’estime énormément. Un mentor de la montagne tout comme Philippe. Voir qu’il a réussi à effacer la déception de manquer le projet mais en plus, nous nous rendons compte qu’il a balisé notre parcours avec des gestes d’attention ! Son attention me remplit de joie.

La pente s’accentue et le bois devient de plus en plus long. Je suis tellement pressé d’en sortir, de passer sur l’arête finale. L’arête arrive vite mais la pente est raide, trop raide ; Adrien nous parle, nous motive, nos regards changent, on commence à être dans le dur.

J’ai besoin de calme, de me mobiliser, Adrien ne sait pas quoi faire et prend la décision de continuer à parler. C’est beau de voir la volonté de ce mec qui veut nous mettre à l’aise et nous aider, mais moi je ne parle plus, Philippe non plus. Il faut combattre les pensées négatives et pour se faire il me faut le silence.

Nous arrivons en haut du Pecloz avec un coucher de soleil. Le cadre est magnifique, on prend la mesure de notre parcours en regardant la direction de la Dent de Cons : 7ème sommet ! Puis en se retournant on voit l’immensité de ce qu’il reste à accomplir. C’est effrayant et ça fait mal de voir ce qu’il reste à parcourir. Plus de fromage, je n’en peux plus, Philippe non plus. Mon ventre commence à me travailler, les pieds chauffent également. J’ai peur, je connais mes sensibilités et les 2 sont réunies en haut du Pecloz…

Sur le sommet, nous trouvons un petit drapeau planté. Derrière ce petit drapeau, un message est adressé à Philippe. C’est encore et toujours Jean. Un message personnel. Philippe le lit calmement, son message est une dose d’émotion pure. Philippe est touché, tellement touché. Il souffle, on fait une petite photo pour immortaliser cette attention. L’émotion est palpable sur son visage. Ça rebooste, ça fait plaisir !

Philippe décide qu’on ne s’attarde pas sur le sommet : le mont d’Armenaz est en face ! On descend le Pecloz avec une descente technique où il faut faire attention. Adrien reste pour prendre des photos et faire un compte rendu aux personnes qui nous suivent. Sur la descente on croisera deux chamois en train de faire la course à une vitesse juste phénoménale, c’est majestueux et impressionnant. Quelle beauté !

A la jonction entre Pecloz et Armenaz, on y verra une harde de Chamois également s’éloignant au fur et à mesure de notre montée. Arrivés en haut du mont d’Armenaz (dit Armène pour les locaux), un autre petit drapeau est planté. Un message pour Yannick. On le prend en photo et on lui envoie.

8ème sommet et la nuit commence à tomber ! J’ai besoin de manger, de souffler. Le plus dur va commencer. Mais je sais qu’au 9ème j’aurai mon petit drapeau. Même si initialement je n’étais pas dans le projet, je connais Jean, je sais qu’il aura une attention pour moi. J’ai hâte, mais j’ai peur. Le doute commence à m’envahir…

 

Chapître 4 : Affronter l’obscurité

La nuit est tombée, les frontales sont sorties, la veste et les gants également. Il commence à faire froid. On va affronter le plus dur : les arêtes. Inconsciemment, je me dis qu’on pourra encore les traverser même de nuit (une folie en réalité).

On doit descendre du mont d’Armène jusqu’au chalet des gardes pour monter sur la pointe des Arces. On y a caché un bidon de 5 litres d’eau une semaine avant avec Philippe. On descend, j’ai les pieds qui chauffent. Voilà, terminer les descentes en liberté, maintenant ça sera de l’économie pour ne pas traumatiser les pieds. Quelle frustration quand le reste des muscles suivent et répondent correctement. Mon ventre n’est pas sympa avec moi également. Les problèmes de pieds et de ventre commencent à grignoter mon esprit. Je ne dis rien à Philippe et prends sur moi.

On commence la montée, plus de sentier, mais de la pente herbeuse mouillée, glissante, raide. Glissade non autorisée. C’est dur, mais le pire dans tout ça ? C’est qu’il y a pire juste derrière ! L’arête qui mène au sommet est jonchée d’Arcos, des arbres entremêlés entre eux et ça sur un bon 200m. On progresse lentement, mes bâtons se prennent dans les branches. Je commence à voir noir, je perds patience. Je m’énerve, je suis dans le mal. Je viens de lâcher une cartouche. Je décide d’en parler à Philippe, je suis au fond du trou. Philippe me prend mes bâtons, et continue à tracer le chemin. Je me porte à la hauteur d’Adrien (oui oui, il est toujours avec nous ce grand fou !), je lui dis si j’arrête tu peux me ramener chez moi ? C’est en écrivant ces mots que je vois qu’on en devient presque égoïste dans le mal. Je n’ai même pas pensé à la suite du projet pour Philippe… J’en suis désolé.

Mais dans ma tête c’est l’obscurité, 15 jours avant je subissais un Ironman qui m’a fracassé mentalement (d’ailleurs, je vous déconseille, si vous voulez faire la traversée des 14, de faire un Ironman quelques jours avant, ça ne va pas ensemble ! Faites plutôt un ping-pong…)  Et je dois subir à nouveau la même chose ? Hors de question !

 Je me demande ce que j’ai fait dans ma vie pour être aussi débile. « T’es un gogole Jérôme, à quoi te sert tout ça ? » Je m’auto-fracasse en quelque sorte, je sombre. Ça y est, c’est terminé. On ne me récupérera plus. Puis d’un coup j’entends :

« Tu te demandes si tu es une bête féroce ou bien un Saint ;

Mais tu es l’un, et l’autre. Et tellement de choses encore ;

Tu es infiniment nombreux : celui qui méprise, celui qui blesse, celui qui aime, celui qui cherche. Et tous les autres ensembles ».

C’est Blizzard de Fauves, une musique qu’on a qualifiée comme musique officielle de l’OTB. C’est Philippe qui l’a lancée sur son téléphone. Pas un mot de sa part, juste la chanson. Décharge d’émotion, les yeux rougis j’avance et je continue ma progression en me focalisant uniquement sur la chanson qui se termine juste au niveau du sommet où je trouve mon petit drapeau…

Philippe me le tend, je prends un peu de recul et je me mets à lire mon message personnel. J’avais besoin de ça, je viens d’avoir mon remède : un message fort et une chanson pour me rebooster. Donné par mes 2 mentors, mes 2 amis. Je souffle, je mange un bout. Philippe me dit « tu te vois passer sur les arêtes là » ?

Je regarde en direction de la ligne de crête et je n’y vois rien… ah si ! 1500m plus bas, une ville éclairée. C’est du suicide d’y aller après presque 15 h d’effort ou plus. J’ai perdu la notion du temps et du dénivelé. Au lieu de longer cette ligne de crête qui nous mènerait jusqu’à la pointe d’Arlicot et le Grand Parra. On va devoir redescendre quasiment 1000m de dénivelé pour en refaire 1000 pour monter au sommet de la pointe d’Arlicot et quasiment 8km supplémentaires. Ça pique mais en réalité, nous n’avons pas le choix si nous voulons poursuivre l’aventure.

On commence la descente, on repasse dans les Arcos. Nous affrontons la pente herbeuse sans trop glisser. On s’arrête à notre point d’eau localisé par des coordonnées GPS qu’on avait enregistrées sur la montre. On fait le plein d’eau et on trace. Adrien nous laissera à la jonction entre le parking et notre montée d’Arlicot. Une descente classique, caillouteuse, les pieds chauffent mais je n’y pense pas.

Arrivé à la jonction, Adrien nous dit au revoir. Merci à toi, tu as été un grand ! Venu pour faire un ravitaillement et tu repars avec 40 km dans les jambes et 4000m de D+ !
C’est ça l’OTB, une émulation que je n’ai jamais connue. Mais j’en parlerai à la fin de mon CR (si j’en vois le bout un jour tant j’ai de choses à raconter).

 

Chapître 5 : Se retrouver à 2

Voilà, nous sommes 2. Première fois que ça se produit. Ça fait drôle mais nous avons l’habitude d’être ensemble et avec notre saison de ski de rando autant dire que nous nous connaissons un peu. Sauf qu’on se retrouve à 2 perdus entre un panneau qui indique le vallon d’Arclusaz et une coulée d’avalanche qui a tout emporté sur son passage, arbres, panneaux, sentier. Et ça, ce n’est pas cool !  On essaie de suivre la trace GPS qui nous amène finalement nulle part. On décide de monter un petit sentier et on verra ce que ça donne.

On tâtonne à nouveau, on perd patience, et l’imprévu à ce moment de la course n’a juste pas le droit d’arriver… On se retrouve au fond du trou. Perdus en pleine nuit pour trouver notre chemin de montée. Sur le groupe Whatzapp, Jean prend des nouvelles, je lui indique qu’on est perdu. Je reçois un appel de lui. Je me dis qu’il va nous guider à distance.

Jean : Allo vous êtes où ?

Moi : Sur une coulée d’avalanche

Jean : La coulée du bas ?

Moi : Oui Oui

Jean : Ok je suis un peu plus haut, je redescends vous chercher.

Quoi ??? Mais non, ce n’est pas possible… Jean est sur le parcours ! Après avoir balisé nos sommets de petits mots d’attention, il est venu nous rejoindre en pleine nuit ! Incroyable et je ne peux que citer le message de Philippe : « Dieu est grand, Moise est un prophète, Saint Marc un nettoyant et Jean notre sauveur !! »

Je l’annonce à Philippe. « Quand je verrai Jean, je lui ferai un câlin » ! il me répond que lui aussi.
On continue hors trace à monter sur le sentier qu’on a jugé être le bon et on entend un cri. On répond à notre tour, une frontale apparait. Jean !!!!!

Et oui le câlin a bien eu lieu, et quel pied de le voir. Il va bouleverser notre OTB, il va le fracasser par sa présence et si, même moi je suis diminué mentalement et physiquement, je sais maintenant que Philippe sera accompagné jusqu’au bout !

 

Chapître 6 : Les vrais amis sont comme des étoiles : vous ne pouvez les reconnaître que lorsqu'il fait sombre autour de vous.

Philippe a remis les commandes à Jean pour nous guider, Jean emboîte le pas. Calmement, un pied devant l’autre. C’est parti pour 1000m de montée. La montée de la pointe d’Arlicot est longue, très longue…

Ma montre m’indique un pourcentage de pente de 50/60% par moment. Elle me cisaille à nouveau. Je suis dans le mal une fois de plus. Il faut monter, continuer, un pied devant l’autre. La montée semble interminable, pire que celle du Pecloz. Je me tais et ne dis rien mais Jean et Philippe me voient souffrir. Ils le savent. Je ne sais pas si Philippe ressent mon état, c’est la question que je me pose.

Une fois arrivés sur le 10ème sommet (10 quand même…), Jean nous laisse y aller. On doit traverser l’arête pour aller chercher le Grand Parra. Le Grand Parra se dessine au loin.  L’arête semble interminable. On va devoir franchir une arête de nuit. Ce que je qualifiais d’une folie en haut d’Arces.

Le fait de voir Jean nous attendre, me fait prendre conscience du danger que cela peut représenter. Jean a ses limites d’engagement, on le sait et on le respecte. Pas un mot on y va.

Philippe reprend les commandes, je le suis pas très loin. Je n’ai pas envie, vraiment pas. Ca fait 22h ou 24h qu’on est parti et on se retrouve sur une arête où la chute peut être fatale en pleine nuit. On avance doucement, sûrement ? C’est interminable. Le Grand Parra se dresse droit devant nous, tellement proche mais tellement loin…

C’est une question de mètres mais pour monter on doit désescalader des parois pour en remonter. Il nous reste 2 bosses avant le sommet final. Il est là, on le touche presque du doigt mais je n’ai plus envie. Philippe continue, je ne le laisserai pas seul mais je ne veux plus. Puis, après quelques mètres Philippe se dresse droit devant le Grand Parra. « Non, non ça ne vaut pas la peine, stop !»

Il renonce, je renonce. Je suis passionné de montagne mais ma passion n’est pas assez égoïste pour priver de ma présence les gens qui m’aiment. Je pense à Armony, ma mère, ma sœur, mon neveu et ma nièce et mes amis ! Je suis abasourdi, pour moi la traversée est foutue. Le sommet n’est pas atteint alors qu’il est à quelques mètres. Un détour de 1000m de D+ pour finalement ne pas pouvoir parcourir les derniers 20m de D+ qui restent !

Philippe me remobilise, pour lui le projet continue ! Il m’explique sa vision des choses : que ça fasse 13 ou 13.5 ou 13.9 ou 14 c’est pareil. On y est, on est devant on a fait 1000D+ supplémentaires pour être là et l’effort est bien plus conséquent que de longer une ligne de crête en pleine journée. Pour lui le jeu n’en vaut pas la chandelle et il y trouve son compte, son bonheur. J’exprime très mal sa pensée mais son récit de course viendra éclairer mes propos.

Mais pour moi c’est un coup d’arrêt, je suis un gogole. Si je ne monte pas sur le sommet même à 20 mètres de lui,  pour moi ce n’est pas validé. A quoi bon continuer ? A quoi bon continuer de souffrir avec mes pieds et le ventre alors que le 12ème sommet est mâché, baclé ? Comment doit-on le compter ? Je lui fais part de ma décision :j’arrêterai après la dent D’Arclusaz (dit Arcluse)
On fait demi-tour, direction la pointe d’Arlicot, on en a parcouru du chemin sur cette arête car le retour semble tout aussi long…

Une fois arrivés au sommet d’Arlicot, Jean est redescendu pour se protéger du froid et du vent. Philippe emboite le pas pour la descente et moi je m’économise. Je n’y suis plus. Plus envie de me rentrer dedans. Je prends mon temps et finalement je les ralentis. Arrivé vers Jean, Philippe lui annonce que nous avons renoncé à quelques mètres du sommet. Jean comprend immédiatement notre décision ; je pense que pour lui le sommet est validé au vu des conditions d’accès.

On finit la descente dans une clairière détrempée, on a les pieds remplis d’eau et nous voilà dans le vallon d’Arcluse. Il est 4h30 le petit jour commence à se lever. C’est beau, la nuit va laisser place à un soleil magnifique. Ça va faire du bien. On décide de marcher jusqu’à la ferme située sous le col d’Arclusaz. On s’assoit sur un banc et on souffle un coup. La fatigue nous marque autant Philippe que moi.  Je me sens bien, je me sens en paix. Je n’ai aucun regret d’abandonner au 12ème sommet. J’y ai pris mon plaisir et ça me satisfait. Un petit Snickers et ça repart (bon c’est presque comme la pub mais avec un autre produit aussi diététique)

Jean trace devant, je passe derrière et lui emboite le pas. C’est parti on monte vers la dent d’Arcluse. Au début ça passe mais la fin se corse. Décidément chaque sommet des Bauges se mérite, c’est si raide également... Jean continue de nous emmener au sommet. J’en profite pour envoyer un message à Armony pour lui demander de venir me chercher, il est 6h20. On est en haut d’Arcluse et 12ème sommet validé. C’est aussi le dernier sommet des 14 des Bauges qui me manquait. J’en avais fait 12 sur 14 et il me manquait la dent de Cons et la dent D’Arclusaz. Permis Baujus validé. J’en suis content.

 

Chapître 7 : L’abandon

J’annonce à Philippe que c’est fini pour moi de manière officielle. Je fais un message sur le groupe Whatsapp. Il est temps d’aller me coucher après 26 heures dans la montagne. A la descente Philippe me demande si ça me dérange qu’il parte sans moi. Bien sûr que non, fonce mon Philou. Il dit à Jean de rester avec moi, chose que je refuse. « C’est avec Philippe que tu dois être, accompagne le et fonce ».
Ils partent devant et semblent s’éloigner vite. A mon tour de descendre en économisant mes pieds. Je n’ai pas envie de faire attendre Armony. Elle n’a déjà quasiment pas dormi de la nuit pour me suivre et en plus, je lui demande de venir me chercher ! La pauvre !

Allez Jérôme, tu cours, tu fonces et tu rattrapes ton retard. C’est parti, le sentier est bon et la descente est longue. Je cours, je trace, j’ai posé le cerveau comme je sais si bien le faire d’habitude. Je refais mon retard et aperçoit Philippe et Jean tricoter pour couper au plus court. J’en profite pour les suivre à distance, ils s’éloignent à nouveau. Je continue et je ne lâche rien. Je dis à Armony que mes pieds me font souffrir, que j’ai beau avoir les muscles qui suivent, les pieds n’y sont plus et le mental est resté sur l’Alpsman. Je m’arrête et je commence à lire le live Whatsapp et là je vois l’ensemble des messages. Voir la déception, les remarques des personnes qui composent le groupe me survolte. Et puis comment puis-je abandonner Philippe ? C’est impensable, ce n’est pas moi. Moi je n’abandonne pas ! Je cours de plus en plus vite et j’arrive finalement d’après le live Whatsapp 3minutes plus tard que mes 2 amis…

 

Châpitre 8 : Le retour et le réveil de Romain

Je me pose à côté de Philippe, je le regarde et il comprend de suite ma motivation. Je lui dis « non je te n’abandonnerai pas, on finira à 2 ». A ce stade je ne parlerai plus jamais d’abandonner. J’irai jusqu’au bout, peu importe ma douleur aux pieds. Armony, en tant qu’infirmière ultra sexy et de luxe, commence à me soigner les pieds. Je pense qu’il y a mieux comme vision pour un dimanche matin ensoleillé…Elle voit mes pieds, moi je la vois… L’un de nous deux a de la chance… autant dire, ce n’est pas elle !

Ce qui est super à Epernay, c’est qu’on a un 4ème pacer VIP qui nous attend, depuis minuit, dans sa voiture. C’est Romain. Un costaud, un « by nighter », un ami. Il est venu à l’heure prévue pour nous suivre jusqu’à la fin. Mais nous avons 7h de retard sur les prévisions ! Au moins,  tu auras bien dormi Romain ! Maintenant il est temps de partir pour ta randonnée nordique. Niveau motivation on doit être à 1/10 pour qu’il veuille bien nous suivre. Mais entre nous, on ne refuse jamais d’aider les copains. Il s’équipe prend ses bâtons et il est prêt.

C’est donc à 4 que nous allons repartir. Une Dream team en quelque sorte. A cette Dream team il manquera Yannick et Christophe pour reformer les collants pipelettes de l’hiver. C’est parti, il reste 30 km à parcourir pour plus de 3000 D+ pour seulement 2 sommets. Le Colombier et le Trélod.

 

Chapître 9 : Le Mont Colombier

Nous sommes  4, il ne peut rien nous arriver et nous allons voler pour y aller, nous allons l’exploser ce Colombier… Non je déconne, je vais me mettre en mode papi part en rando et je vais suivre le rythme de tortue génial Alias Jean. Ça grimpe, c’est long mais on y va. Ça rigole, ça parle (sauf moi), la chaleur commence à se sentir. Mais les pentes du Colombier sont là devant nous. A nouveau je me mets derrière Jean et mon guide de luxe trace le chemin sur la crête pour atteindre le sommet. C’est le premier sommet où l’on va croiser d’autres personnes. C’est déstabilisant. Mais c’est grisant de doubler les randonneurs alors qu’on a plus de 12 sommets et 28h dans les jambes.

Et bim ! 13ème sommet atteint ! on se pose avec Philippe pour la traditionnelle photo indiquant 13 avec les doigts. Nous pouvons manger un Snickers et aussi nous ravitailler correctement. Il n’en reste plus qu’un, l’émotion est palpable. Mais ce fameux Trélod est loin, très loin. Une vingtaine de kilomètres. Philippe prend les devants pour la descente, j’essaie de le suivre mais les pentes de l’arête sommitale sont trop escarpées et trop raides pour que mes pieds me permettent de descendre dans de bonnes conditions.

Jean et Romain tapent la discussion avec les randonneurs surpris de nous entendre dire qu’on part pour le Trélod. Romain nous racontera cet échange peu de temps après et c’était bien marrant. Oui il y a 2 gogoles qui font les 14 des Bauges ce weekend ! 

Au niveau du col, la pente s’adoucit et un long sentier et une route forestière mènent jusqu’à la vallée. Le prochain ravitaillement est prévu au niveau de l’itinéraire de montée du Trélod. Mais ce ravitaillement va changer, car l’ensemble des personnes venues pour manger un barbecue de fin d’aventure avec nous sont là. Mais on a tellement de retard que le repas du midi se transformera en repas du soir. Par chance, l’emplacement prévu pour la mise en place du barbecue est complet (situé juste à la fin de la descente du Trélod). Ils vont donc le changer et le mettre sur notre itinéraire. Philippe et moi sommes excités comme des acariens au salon de la moquette à cette idée ! Ça nous donne des ailes et on trace jusqu’à eux. Que c’est bon de se dire qu’on va revoir les personnes qui nous suivent, je vais voir Armony, Christophe, Marion, les amis qui sont venus rien que pour nous. Quel bonheur !   

On arrive dans le village, c’est du bitume (burk)… Nous ne sommes pas des coureurs mais des papys randonneurs ou trailleurs dans un état d’usure avancée !! (Bon ok, en fait il n’y a que moi dans cet état). Les autres ce sont 2 machines et le boss c’est Philippe. Il comptait peut-être faire l’aller/retour pour arriver aussi frais !

 

Chapître 10 : Le barbecue

On y est ! Ils sont tous là, que ça fait plaisir ! La joie de voir du monde, la joie de voir toutes cette émulation prendre forme sous nos yeux, les encouragements… je ne connais pas tout le monde, mais je reconnais Julien qui est venu nous amener ce matin, Julien Goyer un autre gros costaud du côté de Grenoble avec qui j’ai fait ma plus belle sortie ski de rando depuis que j’en fais en Belledone (avec Jean et Philippe comme par hasard), Francois, Christophe et Marion, Adrien, Yannick. Oui Yannick !!! Quel bonheur de te voir au barbecue. Tu t’es remobilisé également et tu es venu pour finir ton projet avec nous.  Je vois ma chérie, ma Armony, ma guerrière et mon plus grand soutien.

Je reste dans ma course, il reste un sommet à faire. J’en profite mais on continue à s’alimenter, s’équiper et se préparer pour le dernier. Toujours assis à côté de Philippe sur la couverture, les discussions s’enchainent et Jean, Romain, Christophe et Armony sont au petit soin pour moi.

Le temps passe si vite et il faut repartir, ne pas se laisser prendre dans ce barbecue. Sacrilège je n’aurai même pas mangé un bout de saucisse…

A l’heure de repartir, ce n’est plus à 4 qu’on va y aller mais à 8 ou 9. Même Armony a décidé d’y aller. « Whaou, mais heuuuu…, tu es sûre de vouloir y aller ? Le Trélod, c’est du costaud et tu es de retour de blessure ». Elle fait preuve d’un mental à toute épreuve et maintient sa décision. Elle veut être là pour l’arrivée, c’est donc à elle d’en décider. Et têtue comme elle est, inutile de discuter !

C’est beau de voir la détermination et l’envie dans ses yeux, qu’elle prenne part à ce chapitre final est une bonne chose. Mais je m’inquiète tout de même. Il ne doit rien lui arriver, pas maintenant.

 

Chapître 11 : Le Trélod

C’est donc en mode colonie que nous allons affronter les 1500m de dénivelé restants. L’ambiance est joviale, bucolique, les gens parlent, ça rigole, c’est détendu. J’essaie de rester focaliser sur la montée, oublier l’état de douleur de mes pieds. Jean ne me lâche pas, ou plutôt je ne lâche pas Jean. Ça fait maintenant des heures que je suis derrière lui à la suivre, c’est donc lui qui m’emmènera là-haut. Il a la clé, il a ma confiance, il a le bon pas. Cette montée va être longue, très longue mais finalement, c’est la dernière alors on y va. On va le faire, on va réussir à boucler ce projet, cet OTB ! Là ou beaucoup échouent…

On commence à apercevoir le sommet. Caché derrière mes lunettes, j’ai comme des envies de pleurer, je suis ému, je me dis que c’est fou. Je me dis que j’ai une chance inouïe de réaliser ce genre de choses. Que la vie que je suis venu chercher dans cette si belle région est bien celle que je suis en train de vivre. La montagne est si belle, mais la montagne elle se partage. C’est la clé, la base de toute chose. Le partage !

Le sommet se dessine : une succession de blocs de pierre à escalader et désescalader. Je suis Jean sans vraiment relever la tête. Il ne reste plus que quelques mètres et l’objectif sera atteint. Je sens l’émotion m’envahir ; Philippe à mes côtés, on avance droit devant. Il est là, juste devant nous…l’objectif est atteint : le 14ème et dernier sommet de ce long périple ! Qui aura fait 107 km et 10 500 D+

Philippe et moi, nous nous prenons dans les bras, nous sommes émus. A vrai dire c’est indescriptible ce qu’on a pu vivre. J’estimais déjà énormément ce mec, mais là, maintenant, le lien qui nous unit est incassable. Je te dois tellement pour cette aventure. Mais je dois tellement à beaucoup de monde. A Jean, à Romain, à Yannick, à Adrien et à Armony. J’attendrai d’ailleurs son arrivée pour la prendre dans mes bras et la remercier mille fois d’avoir fait le déplacement pour s’occuper de moi. « Tu as sauvé mon OTB ».  J’ai également une pensée particulière pour Christophe. J’aurai rêvé que tu en sois, que tu sois la également pour monter au Trélod. Mais je sais qu’on se rattrapera à l’avenir.

La descente est laborieuse, Armony, Philippe, Jean reste avec moi. Mais arrivés en bas, toute notre équipe d’accompagnants nous attend et Julien également.

Une arrivée avec vidéo et champagne s’il vous plaît ! Juste grandiose, génial. Un moment qui va rester graver à jamais. François a sorti la table de camping, les chaises, il y a de la nourriture. Un repas commence avec tout le monde. J’aimerai que ce moment dure toute ma vie. C’est tellement bon et léger. Le partage, les rires… C’est certainement ça la plus belle chose de notre aventure. L’émulation !

Merci Julien et François pour l’organisation de ce repas improvisé, d’ailleurs si certains qui me lisent souhaitent se marier, faites appel à François, il pourra vous organiser un truc sympa même en haut du Mont Blanc s’il le faut !

Merci à tous pour vos encouragements, ma mère et ma sœur qui ont exprimé leur fierté de me voir accomplir cette petite ballade. A Mary et Claude (mon papa de cœur), à Céline pour son soutien et ses nombreux messages et une organisation aux petits oignons du barbecue. D’ailleurs, si tu comptes recommencer à l’avenir, je t’annonce déjà que je suis disponible.

 

A chacun son Everest, mais bien entouré ça passe toujours !

A SEPa Impossible, aux malades de la SEP, à mon papa qui aurait été si fier de moi…

Jérôme.

                                      

L'activité Strava de Jérôme ici


Et parce qu'on est parti à 3, et que le regard de Yannick sur cet OTB , comme sa présence sur la dernière montée  est important, voilà une 3eme face au miroir.

OTB 2019 : quand le rêve ne devient pas réalité

 

Comment parler de quelque chose que j’aimerai oublier ?


Il est facile de faire un récit sur une course qui s’est bien passée mais quand il n’y a pas de happy end et qu’on en a gros sur le cœur ce n’est pas si simple… J’ai quand même décidé d’essayer, cela peut faire du bien de mettre des mots sur des maux…


L’OTB (off de la tome des bauges) c’est un projet qui a vu le jour il y a plus d’un an. En parlant avec Jean et Philippe des Bauges la conversation dévie sur un ultra dans les bauges et enfin sur le fait d’enchainer les 14 sommets à plus de 2000m de ce massif.


Pour résumer on est emballé, on en parle pendant plus d’un an comme des gamins excités, on le prépare et le 22 juin 2019 on est au départ avec Philippe et finalement Jérôme qui s’est joint au projet. Malheureusement Jean ne peut pas en être…


1/Le départ :
Nous somme le samedi 22 juin, il est 6h, Julien nous a conduit au départ. On va enfin prendre le départ après une dernière semaine de préparation de folie avec cette grosse incertitude sur la météo, j’ai l’impression d’avoir été vidé nerveusement le jeudi.


Bref c’est derrière nous maintenant il va falloir en découdre avec ce parcours de folie (le tracé prévoit 94kms et 9500m de D+). Les prévisions de Philippe sont de 30h pour avaler le morceau !


On attaque par la dent de cons, un sommet un peu éloigné géographiquement des autres, pas grand-chose à dire sur celui-ci. On monte tranquillement, prudemment vu le programme du jour, par contre on n’est pas en reste niveau discussion et bêtises dites à la minute ! L’ambiance est bonne entre nous trois et on arrive au sommet avec un peu de retard sur les prévisions (+15min). On sort notre premier fromage car pour rendre la « balade plus sympa on a décidé que ça serait 14 sommets/14 fromages ! On mange donc un morceau de Tomme de Savoie, on renseigne la conversation live WhatsApp créée pour l’occasion afin que nos proches puissent nous suivre.


On attaque ensuite la descente assez grasse et raide, donc on prend un rythme prudent. Ensuite on perd la trace, on essaie de couper un peu dans la végétation pour garder des souvenirs sur nos jambes des ronces rencontrées ! On finit par reprendre un morceau de route pour rejoindre Seythenex ou Julien nous attend pour un premier ravito rapide.


2/Direction la Sambuy :
Julien nous a même acheté des pains au chocolat, je ne sais pas pourquoi réellement mais je fais l’impasse et n’en mange pas… On récupère des affaires pour la suite, plein d’eau et direction la Sambuy. 1400m de d+ nous attendent pour aller au sommet, la première partie se fait sur une piste forestière très raide et très boueuse, les appuis tiennent difficilement même en s’aidant des bâtons, je m’agace un peu, cherche les cailloux pour plus de stabilité. Sur le fin de cette piste Philippe et Jérôme prennent un peu d’avance sur moi, je ne me sens pas au mieux et me demande un peu pourquoi les jambes ne répondent pas…


On arrive sur le sommet de la station toujours avec mes deux compagnons qui ont un peu d’avance, je crois que je prends un coup au moral de déjà être à la traine et de progresser seul… Les jambes font déjà bien mal alors que la montre indique 2000m de d+ et qui faudra en faire plus de 9000 aujourd’hui. Ca y est je cogite, je doute, je pense à ma préparation différentes des autres années… et j’ai des crampes ! Comme si mon corps décidait de lâcher dès que la tête commence à douter.


Philippe qui doit s’apercevoir de quelque chose m’attend se met à ma hauteur et me parle. Il me dit de ne pas m’inquiéter de ne pas me laisser envahir par les idées noires. Et pourtant je suis en plein dedans… C’est sous ses mots que l’on rejoint le sommet ou Jérôme nous attend. On se tape dans la main, on s’encourage et on mange un bon persillé de Tarentaise !


Ça fait du bien et je suis déjà focalisé sur la suite car nous attend un passage technique assez abrupte sur les crêtes. Heureusement Gilles, Pat et Bruno se sont levés aux aurores pour venir nous sécuriser le passage avec des cordes fixes. C’est royal, on passe grâce à eux ce passage sereinement, Philippe en tête, moi au milieu et Jérôme pour fermer la marche. Je prends même du plaisir devant un effort différent du trail.


Un fois ce passage terminé Adrien est là, il est venu à notre rencontre. On continue l’arête en direction de la pointe de Chaurionde. Je suis prudent, pour en avoir discuté avec mon père ces deniers jours j’ai compris que ce passage l’inquiétait. Mais finalement je ne trouve pas ça impressionnant et le passe sans problème en étant attentif.


Il reste juste une petite bosse pour rejoindre le sommet et là de nouveaux des crampes ! Ça me mine le moral, je ne comprends pas, j’ai bien bu, mangé aussi…


Arrivé au sommet on mange un morceau de Tarentais sous la pluie qui a fait son apparition. On ne s’attarde pas et on commence la descente. La pluie augmente, on s’arrête. Philippe appelle Céline pour connaitre les prévisions météos. On continue jusqu’au col d’Orgeval ou mon père vient à notre rencontre. Le tonnerre se mêle à la fête… Qu’est ce qu’on fait ?


Philippe me demande mon avis pour filer sur le mont de la coche ou la météo semble meilleure que sur l’Arcalod. Je réponds que je ne le sens pas… on descend donc s’abriter au bord du chalet d’Orgeval juste un peu en dessous…


3/La descente aux enfers du moral :
On s’assoit, on regarde le ciel menaçant, je commence à avoir froid… Je me demande ce que je fais là… Philippe me parle, me sors son duvet de survie pour me réchauffer. Mes yeux se mouillent, mon père s’approche demande à Philippe « qu’est qu’il a ? » et là je craque, je mets ma tête dans mes mains, je pleure… Je leur dit que j’en suis incapable, que je ne suis pas bien préparé.


Je crois que j’ai un peu peur également, vu la tournure des choses il va falloir passer des arrêtes de nuit, je suis déjà dans un état de fatigue avancé et je ne veux pas prendre de risque. J’ai promis à Luisa d’être prudent, je leur dit qu’un petit bout m’attend à la maison… Le regard de mon père à ce moment ne doit pas m’aider à envisager la suite car il a le regard d’un père inquiet…


Tous mes compagnons me rassurent me disent que si, que un jour sans ça arrive, que ça va revenir …


J’aimerai les croire mais l’environnement, le froid, la pluie les crampes sont mes démons. La pluie finit par se calmer et Philippe et Jérôme décident de partir en direction du mont de la coche et Trè mollard et revenir plus tard sur l’Arcalod. Philippe me dit de redescendre à la voiture de mon père, me reposer, me ravitailler, dormir. Il me dit de ne pas lâcher, que je pourrais repartir avec eux.


Là aussi j’aimerai le croire mais dans ma tête c’est 14 sommets et non 11 le projet.


Je les vois s’éloigner alors que j’entame la descente, je pleure encore, j’ai envie de leur crier attendez moi je viens… mais c’est juste une envie, je sais que les jambes ne peuvent pas...


Je redescends à la voiture, me change, je mange, j’essaie de dormir, je somnole… Je cogite, me demande ou en sont les copains… et surtout je n’ai pas du tout de réseau…


J’aurai tellement besoin d’entendre Luisa…sa voix, qu’elle me dise que ça va aller, peut être m’encourager à repartir ? Ou que ce n’est rien, qu’elle est fière de moi… d’être raisonnable…


J’ai tellement l’impression d’être ridicule, d’arrêter après 30 kilomètres et 2600m de d+…


Et puis après coup avoir eu du réseau m’aurait permis de lire tous les encouragements sur le live WhatsApp, mais impossible c’était peut-être que ça devait se passer comme ça…


4/L’annonce de la décision :
Mon père finit par arriver à la voiture, il m’explique que Philippe, Jérôme et Adrien ont finalement opté pour l’Arcalod au vu de la météo devenant plus clémente.


Puis ils finissent enfin par arriver, un regard avec Philippe suffit il comprend que je ne repartirai pas avec eux, la nuit, les arêtes, je n’en ai pas la force, la tête a lâché…


Je passe en mode ravitailleur, je leur prépare des nouilles, du thé, je les aide comme je peux…


1h après ils sont prêts à repartir mais avant Philippe me parle en tête a tête, il veut me voir demain avec Romain pour finir avec eux et faire le Colombier et le Trelod. Je lui dis que je n’en serai pas capable, imaginer faire encore 2500m demain, et me lever aux aurores à cet instant ce n’est pas possible…


Il insiste, me dit d’arrêter maintenant, de reprendre le dessus en quelque sorte, je lui parle que je ferai surement que le Trelod…


Un dernier regard alors qu’ils partent en direction du Pecloz, les yeux se mouillent encore… Ils me disent que ça arrive à tout le monde, mon père dit : « oui même aux meilleurs, la preuve ca m’est arrivé ». La plaisanterie allège un peu ma peine. Moi qui n’est jamais lâcher un dossard, j’abandonne le jour où justement il n’y en a pas et c’est pourtant bien plus dur, cette aventure on en parle depuis tellement longtemps… Je rentre chez moi dormir, faire le « plein » de Luisa et Gabriel pour penser à autres chose.


5/Demain est un autre jour :
Je passerai sur la nuit de folie de Philippe et Jérôme sur les sentiers, leurs difficultés, émotions, leurs récits en parleront mieux que moi.


Le lendemain je me rends donc en début d’après-midi sur le lieu du barbecue avec tous les amis, proches pour finir avec eux.


Les personnes présentes me félicitent. Je ne comprends pas trop, dans ma tête je ne mérite pas ces félicitations... bref je suis là pour mes amis qui eux sont encore en course. Ils arrivent enfin, entamés mais avec un sourire énorme, tellement heureux d’être là, il leur reste le Trelod, un bon morceau mais ils savent que c’est gagné !


Ils sont heureux de me voir, je ne leur dis pas mais c’est évident, il ne pouvait pas en être autrement. Je me devais d’être là pour eux !


Entre temps, dans la nuit tel un guide Jean les a rejoint, les a guidé, aidé…C’est la mentalité OTB ! Passé sa déception de ne pas être au départ, il est là pour eux ! Un peu comme moi qui suis revenu aujourd’hui.


Nous allons monter le Trelod à 10 !!! C’est fou ! On est tous autour de nos deux héros…


Et vu leur rythme encore efficace après 100kms je me dis qu’ils sont monstrueux, Jérôme a des ampoules partout aux pieds, il serre les dents… un mental de dingue ! Et Philippe…il est dans son domaine : l’ULTRA ! Il m’impressionne tellement, son organisation, ses ravitaillement, son expérience de ce type d’effort et encore son pas efficace !!!


Arrivé vers le sommet, je reste en retrait avec Romain pour attendre Armony et Adrien et laisse Jérôme et Philippe arriver tous les deux au sommet. Ce moment leur appartient. Je les rejoins, les félicitent. On prend une photos a 4 : Jérôme, Philippe, Jean et moi. Enfin c’est le partage de la Tome des bauges comme tout un symbole !


Il ne reste plus qu’à descendre tranquillement, enfin pour nous car pour Jérôme et ses pieds je comprends dans son regard que c’est dur, une main sur son épaule pour le soutenir et lui exprimer ma fierté est bien plus efficace que n’importe quels mots.


Arrivé en bas, on attend nos deux hommes forts pour une petite cérémonie d’arrivée.


Champagne, ils sont émus, ils se tombent dans les bras, je suis tellement content pour eux, fier d’eux et en même temps triste… j’aimerai être de l’autre côté du miroir, des regards…


Je me suis tellement imaginé finir ce projet de dingue et pleuré de joie, je m’écarte un peu car ma tristesse n’a rien à faire ici dans ce moment de joie pour eux…


6/Et après ? :
La déception est à la hauteur du projet : énorme…


J’aime me dire que ce n’est que du sport e c’est vrai mais ce n’est pas juste ca… J’ai raté l’occasion de vivre un truc indescriptible, je ne sais pas si je pourrai trouver dans un autre projet, une course, ce que j’aurai pu vivre avec eux aujourd’hui… Moi qui rêve de boucler un Ultra trail, ça ne fera pas de moi quelqu’un de différent, un homme meilleur mais pour l’instant j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose…


Il y a un mois j’ai fait une super perf à la skyrace des matheysins (26kms, 2000md+) et je me dis que c’est un format qui correspond à mes qualités et j’ai pris beaucoup de plaisir. Mais l’ultra, le long…c’est autre chose… c’est des heures de souffrance pour un frisson éphémère sur la ligne d’arrivée, des regards qui touchent, une fierté de soi aussi…


A chaud à la fin de l’OTB j’ai envie de trouver un objectif, du court ? Claquer un temps sur le bélier ? Refaire un marathon sur route l’an prochain ? Ça part dans tous les sens…il faudra faire le tri à tête reposée.


C’est paradoxal, en finissant une course comme la maxi race pendant l’effort on se dit non mais stop ! Puis une fois la ligne passée on n’a qu’une envie : y retourner ! Là 15 jours après l’OTB j’ai comme peur de remettre les baskets, pas trop envie non plus comme si quelque chose était cassé et toujours les yeux humides en y repensant…


Il va être temps d’appliquer à moi-même la phrase de Mandela déjà dite dans le passé à Philippe et Jérôme et que j’aime tant : « Je ne perds jamais, parfois je gagne, le reste du temps j’apprends. »


Et pour conclure et pour rester dans les citations  je crois que le passage de cette chanson de Tarmac que j’adore résume bien ma recherche de moi-même dans l’ultra :


« Je cherche un titre un nom
Une palette et son moyen d’expression
Je cherche un doute un ton
Une boite et son adéquate dimension
Lo busque por todas partes
Si yo soy cuerdo, soy tambien loco
Yo no soy malogrado »


Et parce qu'avec le live Whatsapp qu'on avait mis en place, je me suis rendu compte qu'il existait en fait une quatrième  façon de raconter cet OTB: OTB: Le live (le lien vers la capture de ce live)

Rédigé par Philippe PL

Publié dans #LES COMPETS, #DOSSIERS SPECIAUX

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
#Indescriptible <br /> C'est le mot qu'il me restera à la bouche quand je penserai à l'OTB, à ce qu'on a vécu. <br /> Merci mon Philou.
Répondre
P
Un King Line entre nous!
L
Je voulais un moment tranquille pour lire vos aventures et surtout ressentir toute cette émotion qui en découle.<br /> C est chose faite.<br /> Et je ne suis pas déçue tellement riche de leçon de vie.<br /> Fière de vous, de toi mon Philou et de tout ce que tu accomplies et je ne parle pas que du côté sportif ❤❤❤
Répondre
Y
Bon bah voilà j'ai encore eu les yeux mouillés et cette fois c'était en lisant ton CR... Merci pour cette aventure de fou, et toi tu mérites largement tout ces gens qui t'entourent !
Répondre
F
Hello, je viens tout juste de lire le CR . T es un sacré Monsieur pour arriver à emmener, à transmettre autant à ta famille, tes amis. Gardes cette énergie, elle fait beaucoup de bien à tout le monde. Trop content et fier de te voir réussir à boucler ce projet parce que encore une fois, tu y a cru, à su te préparer, à donner envie à tes potes, communiquer ton énergie pour emmener tout le monde la haut. Merci pour tout ça. Continues ! Y’a que des fêlés qui peuvent vivre cela. Biz mon pote.
Répondre
C
Je viens de terminer la lecture de ton CR et j'ai lu celui de jérôme hier !<br /> C'est très intéressant de mettre vos 2 visions en perspective.<br /> Sans être dans le comparatif qui n'a pas lieu d'être ici j'ai pu voir 2 caractères et 2 expériences différentes parler.<br /> <br /> Outre les sensations propres de chacun, vos bobos, vos douleurs, vos coups de moins bien, les décharges d'adrénaline, les excès de joies et les émotions envahissantes, j'ai pu encore une fois constater que tout se rejoint vers le même point (qui me tient tout le temps tellement à coeur) : le PARTAGE.<br /> Ce mot en dit long car à travers le côté sportif et exploit physique entre potes, il sous entend également émotions, rires, douleurs et joie finale, libératrice. Dans le PARTAGE, avec ou sans les mots, chaque sentiment scintille dans les yeux de chacun !<br /> Chacun comprend l'autre juste en le regardant et ça c'est beau. Je le ressens dans ton CR et c'est ce qui m'anime à chaque sortie avec les potes.<br /> <br /> Je te remercie de ton petit mot à mon égard ça m'a fait chaud au coeur. Vraiment !<br /> Je ne sais pas si j'aurais le physique et le mental pour faire de tels exploits mais je sais que je serai un des + heureux en y participant.<br /> <br /> <br /> Je pensais que j'allais être un peu triste, jaloux ou déçu de ne pas faire partie de l'aventure, mais d'autres projets ont pris le dessus cette année et phyqiquement je ne suis pas au top non plus. (cf cheville, tendon...)<br /> Donc pas de regret et même si je n'ai pas pu être plus présent sur les chemins ou sur les ravitos, mon esprit et mon coeur étaient avec vous dans ces Bauges !<br /> <br /> Le BBQ (presque) final était vraiment sympa, j'ai kiffé ce moment aussi.<br /> <br /> Merci pour ce moment d'évasion.
Répondre